Un cinéma entre France et Maghreb : discours, production et création

Introduction

Un cinéma entre France et Maghreb : discours, production et création (1970-2010)

 
Introduction
 
     C’est dés l’année qui suit l’invention du cinématographe, 1896, qu’ont lieu de premiers échanges entre la France et les pays du Maghreb. Dans la colonie et les deux protectorats, les opérateurs des Frères Lumière tournent des prises de vue et proposent aux spectateurs une expérience cinématographique jusqu’alors inédite. Les auditoires d’Alger et Oran – au sein desquels les autochtones sont minoritaires voire absents1 -, découvrent la magie de cet instrument scientifique chargé d’enregistrer le réel, et qui allait devenir une immense fabrique de rêves2. D’autres projections sont données l’année suivante, à Tunis et dans le Palais royal de Fès, nouvelles étapes d’un processus qui lie inextricablement les deux rives de la Méditerranée. Certes, le cinéma colonial prédomine des décennies durant et, de cette «tentative ridicule consistant à montrer […] une réalité défigurée […] propre à déchaîner les rires des salles populaires en France3 », résulte une série de représentations stéréotypées. Mais, dés lors que les pays nouvellement indépendants développent leur propre cinématographie, ces images seront renversées aussi bien par les cinéastes restés au Maghreb que par ceux qui tentent l’aventure de l’immigration sur la rive nord de la Méditerranée.
 
 
     Ce reportage sur le cinéma algérien souligne cette volonté originelle de lutter contre les images jugées dégradantes du cinéma colonial. Il donne par ailleurs un aperçu des premiers courants esthétiques qui le traversent, soulignant aussi l’influence des cinéastes anticolonialistes français comme René Vautier.
 
     Quel usage ces auteurs maghrébins vont-ils faire du cinématographe, une technologie inventée en France et popularisée par les pays occidentaux ? Si celui-ci est rapidement mis au service de l’affirmation d’une identité propre en Algérie et en Tunisie davantage qu’au Maroc, le cinéma reste très peu de temps émancipé de l’ancienne puissance coloniale, tandis qu’un mouvement inverse s’observe en France. Au fil des décennies, s’y mesure en effet l’influence croissante des immigrés maghrébins et de leurs descendants au sein du paysage cinématographique. Ils en deviennent peu à peu les étoiles montantes, gravissant les marches vers le succès.
 

     Ce sont les moments de basculement dans ces parcours croisés, les interférences et interactions entre la France et les pays du Maghreb, qui peuvent être mis en lumière grâce à trois facteurs propres au septième art. Il s’agit d’une part de la mise en scène d’un discours sur les relations franco-maghrébines, du système de production de longs métrages d’autre part, et finalement de la force créatrice de ces œuvres. Ainsi, le cinématographe apparaît comme une production culturelle susceptible d’illustrer certains aspects des circulations postcoloniales entre France et Maghreb. Les systèmes de production s’imbriquent, se recoupent voire s’imitent et, lorsque les lois mémorielles se répondent en France et en Algérie au milieu des années 2000, le cinéma se fait toujours le miroir des relations tendues entre l’ancienne puissance de tutelle et l’ancienne colonie. Entre hégémonie culturelle et résistance, entre influences réciproques et créations hybrides, le cinéma n’est-il pas le lieu d’élaboration d’un possible imaginaire partagé en Méditerranée ?



1 Viola Shafik, Arab cinema. History and cultural identity, American University in Cairo Press, 2007
2 Edgar Morin, Le cinéma ou l’homme imaginaire. Essai d’anthropologie, Éditions de Minuit, 1956

3 Rachid Boudjedra

Introduction

I- Discours croisés après les i...

II- L'entrelacement des système...

III- Ambiguïtés de la coproduct...

IV- Entre imaginaire partagé et...

Conclusion

Bibliographie

Résumé

C’est dés l’année qui suit l’invention du cinématographe, 1896, qu’ont lieu de premiers échanges entre la France et les pays du Maghreb. Dans la colonie et les deux protectorats, les opérateurs des Frères Lumière tournent des prises de vue et proposent aux spectateurs une expérience cinématographique jusqu’alors inédite. Les auditoires d’Alger et Oran – au sein desquels les autochtones sont minoritaires voire absents -, découvrent la magie de cet instrument scientifique chargé d’enregistrer le réel, et qui allait devenir une immense fabrique de rêves. ...

Auteur

Gaertner Julien
Post doctorant en histoire, auteur de documentaires, Institut d'études politiques de Paris, Université Nice-Sophia Antipolis.