Topographies saintes, imaginaire national et tourisme religieux

Introduction

Topographies saintes, imaginaire national et tourisme religieux en Jordanie

1960-2011

 
Le terme tourisme n’a été utilisé de façon officielle dans l’acception qu’on lui connaît aujourd’hui qu’assez tardivement. Cependant il recouvre une activité qui s’est organisée de manière industrielle avec le développement des premiers voyages organisés, à l’initiative d’entrepreneurs tels que Thomas Cook. Dès la fin du XIXe siècle, de nombreux voyageurs occidentaux sillonnèrent le territoire correspondant à la Transjordanie contemporaine en quête des sites de l'histoire ancienne et biblique, éveillant un certain intérêt pour ce territoire. Le développement du tourisme en Jordanie est ainsi en étroite relation avec les découvertes archéologiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle et le développement de l’archéologie biblique à la même époque. Les sites religieux et archéologiques correspondant à des périodes historiques anciennes furent donc les premiers visités et mis en valeur. Depuis les années 1980, l’élaboration d’un patrimoine sous la souveraineté du régime hachémite et de l’Etat et le développement de l’activité touristique dans le pays ont été des objectifs prioritaires des différents gouvernements principalement pour des raisons économiques et politiques. Cette activité a été développée  par le Ministère du tourisme et des antiquités avec une massification de l’activité.
 
Le terme de patrimoine a, par ailleurs, une définition particulière en Jordanie : dès l’élaboration de la première loi des antiquités en 1923, tous les sites postérieurs à 1700 furent reconnus comme correspondant à ce terme (B. Porter, N. B. Salazar, 2003:364). Cette limite chronologique définissait les vestiges dépendant du patrimoine, turâth, par opposition aux vestiges plus anciens relevant de l’histoire, târîkh. Cette définition officielle est souvent contredite par la pratique, un terme pouvant être utilisé pour l’autre dans les documents ou journaux officiels. Par ailleurs, cette délimitation recouvre une perception étatique du patrimoine et ne répond pas nécessairement aux perceptions que les populations locales ont de ce terme. Dans ce cadre, les lieux saints chrétiens et musulmans bénéficient de statuts particuliers puisque les sites chrétiens recréés ou récemment patrimonialisés sont majoritairement gérés par le Ministère du tourisme et des antiquités bien qu’une grande partie soient sous tutelle des autorités religieuses chrétiennes alors que les lieux saints islamiques sont sous la tutelle du ministère des awqâf, qui gère les biens islamiques dits de mainmortes. Il résulte de cette partition d’importantes différences entre les sites en termes de gestion patrimoniale. Par ailleurs, la distinction entre patrimoine matériel et immatériel a aujourd’hui une grande importance, la dernière notion ayant fait l’objet d’importantes réappropriations de la part des communautés locales, comme en atteste le développement d’associations locales telles que l’association Bayt al-Anbat à Pétra qui récolte les récits d’histoire orale dans la ville de Wadi Mousa.
 
Après la création de l’émirat de Transjordanie, puis celle du Royaume de Jordanie, le roi Abdallah I était porté par des ambitions panarabes et ne cherchait ainsi pas à valoriser un patrimoine proprement jordanien. Cette ambition panarabe des Hachémites se maintint jusqu’à se heurter au nationalisme territorial palestinien. C’est dans cette lutte avec cette nouvelle composante de la population de la Jordanie que s’est très progressivement transformée l’ambition hachémite faisant place, à partir de la deuxième moitié des années 1980 a un nationalisme territorial proprement jordanien. Une étude comparative de la patrimonialisation des lieux saints chrétiens et des lieux saints musulmans permet de comprendre les réécritures successives ou simultanées de l’histoire nationale et d’analyser les politiques patrimoniales portant ces réécritures. Dès les années 1980, alors que les sites chrétiens sont héritiers de l’archéologie biblique et sa lecture du territoire correspondant à la Jordanie contemporaine, la patrimonialisation des lieux saints islamiques cherche à les présenter comme moteurs d’une continuité territoriale entre Jérusalem et les villes saintes du Hedjaz.
 
Le ministère du tourisme et des antiquités travaille aujourd’hui en étroite coopération avec l’USAID, agence américaine d’aide au développement. Cette dernière a souligné, ces dernières années, la nécessité de promouvoir le tourisme religieux et le tourisme dit patrimonial. L’étude de l’activité touristique représente ici un outil privilégié pour comprendre les sites mis en avant dans le processus national de patrimonialisation. En s’appuyant sur les archives de la télévision jordanienne et sur des entretiens menés en Jordanie auprès du Ministère du tourisme et des antiquités et du ministère des awqâf, ce travail cherche à montrer comment a évolué la promotion du secteur touristique depuis les années 1960. Comment le tourisme religieux s’est-il développé dans le pays ? Quel imaginaire national les medias et instances publiques chargées du développement du tourisme promeuvent-elles, et comment cet imaginaire évolue t’il de 1960 à nos jours? Comment les années 1980 constituent-elle une rupture dans la création de cet imaginaire national ?

Introduction

I- Archéologie biblique, touris...

II- Tourisme islamique, réécrit...

Conclusion

Bibliographie

Webographie

Résumé

Topographies saintes, imaginaire national et tourisme religieux en Jordanie 1960-2011 Le terme tourisme n’a été utilisé de façon officielle dans l’acception qu’on lui connaît aujourd’hui qu’assez tardivement. Cependant il recouvre une activité qui s’est organisée de manière industrielle avec le développement des premiers voyages organisés, à l’initiative d’entrepreneurs tels que Thomas Cook. Dès la fin du XIXe siècle, de nombreux voyageurs occidentaux sillonnèrent le territoire correspondant à la Transjordanie contemporaine en quête des sites de l'histoire ancienne et biblique, éveillant un certain intérêt pour ce territoire. ...

Auteur

Neveu Norig
Doctorante en histoire à l’EHESS sous la direction de Jocelyne Dakhlia et ATER à l'Université d'Aix-Marseille.