L’invention méditerranéenne du patrimoine [...]

Introduction

L’invention méditerranéenne du patrimoine

Images et usages du patrimoine culturel en Méditerranée
 
Cyril Isnart
isnartc@gmail.com
 
 
En tant que territoire d’échanges et de circulation, la Méditerranée s’offre au regard des sciences sociales comme une vaste arène contrastée, dans laquelle se rencontrent et s’opposent des cultures qui partagent un passé marquant fortement l’espace. Issues d’un métissage heureux ou fruits des hégémonies politiques expansionnistes, les populations qui bordent la Méditerranée peuvent revendiquer des spécificités religieuses ou culturelles en maintenant des identités singulières, comme prétendre à une certaine communauté de symboles en s’appuyant sur les héritages des grandes civilisations qui se sont développées sur leurs territoires. Cette représentation des cultures méditerranéennes provient en grande partie de la découverte érudite de la Méditerranée, très précocement parcourue, décrite, dessinée et étudiée par les archéologues, les voyageurs et les militaires. De l’invention de l’espace monumental méditerranéen à la gestion contemporaine des ressources patrimoniales, les usages du patrimoine méditerranéen offrent un très bon point de vue pour interroger les manières dont certaines images de la Méditerranée sont activées et comment la matrice de l’idéologie patrimoniale s’applique dans cet espace singulier.
 
Pour mieux saisir ces enjeux, il convient rapidement de rappeler que la notion de patrimoine culturel emprunte au vocabulaire de la transmission juridique des biens familiaux et s’est liée très précocement aux processus de construction des États-Nations, comme plus récemment à ceux des sous-ensembles régionaux et des minorités. L’identité collective du groupe et sa mémoire officielle seraient donc censées résider dans le patrimoine culturel et signifier aux autres son unicité et sa singularité. La fondation de l’Unesco en 1946 et la proclamation de ses différentes conventions ont ajouté un pendant universaliste et humaniste à ces prétentions identitaires, en proposant que les multiples singularités culturelles participent de l’universalité du génie humain. En ce sens, le patrimoine culturel est le fruit d’une construction d’ordre politique et moral qui tend à relier certains artefacts localisés, supposés venir des ancêtres, avec les membres actuels d’un groupe et la communauté universelle que forme l’humanité. Les deux régimes (universel/singulier) fonctionnent pourtant ensemble et participent de deux processus géopolitiques majeurs : la construction des États-nations (et de tous les sous-ensembles) et de la communauté internationale. Mais si les technologies de conservation, les listes de classement et les mises en exposition, activités fondamentales des politiques patrimoniales, présentent bien le patrimoine comme un corpus singulier et universel d’objets, d’architectures, de sites ou de pratiques culturelles, ce sont plus sûrement les processus d’authentification, de sélection et de qualification de ces objets qui sont les véritables enjeux du patrimoine, et qui méritent alors une analyse sociologique à part entière (Smith 2006).
 
Les exemples d’analyse donnés par exemple par Nabila Oulebsir (2004) pour l’Algérie contemporaine constituent un bon exemple de cette perspective historique et critique sur le patrimoine en Méditerranée, bien qu’ils laissent parfois dans l’ombre la généalogie méditerranéenne du patrimoine au fondement des politiques culturelles. On tentera donc ici de situer les usages et l’apparition du patrimoine en Méditerranée en les inscrivant dans le temps long de l’invention érudite de la Méditerranée et en montrant comment les motifs centraux de la pensée patrimoniale s’accommodent avec les contextes naturels, historiques, religieux et culturels de la Méditerranée.

Introduction

La Méditerranée et l’invention ...

La Méditerranée, un patrimoine ...

La Méditerranée, un patrimoine ...

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Le patrimoine immatériel en Méd...

Bibliographie

Résumé

En tant que territoire d’échanges et de circulation, la Méditerranée s’offre au regard des sciences sociales comme une vaste arène contrastée, dans laquelle se rencontrent et s’opposent des cultures qui partagent un passé marquant fortement l’espace. Issues d’un métissage heureux ou fruits des hégémonies politiques expansionnistes, les populations qui bordent la Méditerranéen peuvent revendiquer des spécificités religieuses ou culturelles en maintenant des identités singulières, comme prétendre à une certaine communauté de symboles en s’appuyant sur les héritages des grandes civilisations qui se sont développées sur leurs territoires. [...]

Auteur

Isnart Cyril
Chercheur en ethnologie, Université de Evora, CIDEHUS.UE.