Les Balkans : une géopolitique méditerranéenne ?

Introduction

La péninsule balkanique se développe dans la partie sud-est du continent européen et donne sur le bassin oriental de la Méditerranée. Les images qui lui sont associées ne sont pourtant que rarement en rapport avec le contexte méditerranéen, bien que cet ensemble de pays nourrisse des relations étroites avec les dynamiques de la région d’un point de vue historique ou géopolitique. Cette question du positionnement des Balkans, et de leur particularité en tant qu’entité homogène, est fréquemment posée. Le choix de l’identifier sous l’appellation de Balkans renvoie implicitement à la présence ottomane au sein de l’Europe du 19e siècle - date à laquelle le philologue allemand August Zeune propose ce terme pour désigner l’espace que l’on appelait aussi « Turquie d’Europe ». Depuis, cette appellation traverse l’histoire mais, à partir du 20e siècles, elle prend aussi une connotation plus négative, associée aux tensions et aux conflits qui s’y développent - à l’origine du sens actuel de l’adjectif « balkanisé » - et permet ainsi d’étendre les Balkans à des pays n’ayant pas connu la domination ottomane, mais qui sont aux prises avec ce type de destin géopolitique. Comment justifier une telle définition ?La forme et la récurrence des conflits viendraient du fait que les sociétés y ont connu une histoire différente de celle du reste de l’Europe, à l’origine de relations parfois tendues entre les groupes qui y composent la société. La longue domination ottomane, puis soviétique pour les pays qui l’ont connu, est présentée comme « contre nature », et elle aurait retardé dans les Balkans le processus, par essence conflictuogène, d’émergence des Etats-Nations. L’expression de « prison des peuples » a été employée en ce sens, tour à tour pour désigner l’empire ottoman et la Yougoslavie titiste, afin de légitimer les sécession multiples qui se sont déroulées dans cette région.
 
On peut néanmoins s’interroger sur la validité de telles hypothèses, qui dédouanent implicitement les « grandes puissances » d’une éventuelle responsabilité dans ces conflits en favorisant des explications endogènes. Les habitants eux-mêmes cherchent d’ailleurs souvent à se dégager de cette désignation, en ne revendiquant presque jamais leur appartenance aux Balkans. Elle leur apparaît en effet comme une désignation forgée de l’extérieur, à partir d’une altérité mal maîtrisée et peu comprise, toujours associée à un jugement de valeur négatif, suggérant une régression politique menant vers le tribal, le primitif, voire une certaine forme de barbarie. C’est la raison pour laquelle certains lui préfèrent parfois l’expression d’« Europe du Sud-est ». Maria Todorova, dans un ouvrage qui fait désormais référence, emboite le pas d’Edward Saïd, pour interpréter ce qu’elle décrit comme un discours de domination, à l’image de l’Orientalisme dénoncé par ce dernier. Pourtant, cet ensemble de représentations a été une nouvelle fois convoqué lors de ces dernières décennies, au moment des guerres et des transformations politiques initiées au cours de la décennie 1990, quand la région fut le lieu de nouveaux conflits ou de nouvelles tensions.
 

Introduction

I. Particularités de l’histoire...

II. Les tensions de la fin du 2...

III. Dynamiques économiques et ...

Eléments bibliographiques

Résumé

La péninsule balkanique se développe dans la partie sud-est du continent européen et donne sur le bassin oriental de la Méditerranée. Les images qui lui sont associées ne sont pourtant que rarement en rapport avec le contexte méditerranéen, bien que cet ensemble de pays nourrisse des relations étroites avec les dynamiques de la région d’un point de vue historique ou géopolitique. Cette question du positionnement des Balkans, et de leur particularité en tant qu’entité homogène, est fréquemment posée. Le choix de l’identifier sous l’appellation de Balkans renvoie implicitement à la présence ottomane au sein de l’Europe du 19e siècle - date à laquelle le philologue allemand August Zeune propose ce terme pour désigner l’espace que l’on appelait aussi « Turquie d’Europe ». ...

Auteur

Sintès Pierre
Maître de conférences en géographie, Université d'Aix-Marseille, TELEMME, MMSH