Le port mythique de Tunis La Goulette |
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Titre de la collection
Ports mythiques de la Méditerranée
Date de première diffusion
2009
Résumé
Chaleureuse, conviviale et humaine, La Goulette a longtemps hébergé un mélange harmonieux de communautés. Aux côtés des Arabes, Français, Maltais et Italiens s'y sont côtoyés depuis la période coloniale, créant une culture de la tolérance. Les Goulettois dialoguaient, en effet, en trois langues : l'arabe, le français et l'italien.
Dispersés dans le monde depuis 1970 ou Tunisiens d'aujourd'hui, les Goulettois ont la nostalgie communicative.
Sociétés de production
-
COPEAM - Coproduction
- RTCI - Coproduction
Thème principal
Grands ports
Générique
- Chalouati Karima - Journaliste
Langue d'origine
Français
Contexte
« Tunis La Goulette »
Gilbert Buti
Son existence est attestée depuis la haute antiquité. Ses fonctions stratégique et économique résultent de sa position à l’abri au fond d’un golfe. Si ce site aquatique fut un obstacle pour les Phéniciens et les Romains et si Carthage choisit de se placer en situation d'avancée maritime sur la pointe de la presqu'île qui fermait la baie, la lagune a été considérée comme un rempart naturel par les Arabes désireux, au début du VIIIe siècle, de fonder une ville à l'abri des envahisseurs venus de la mer. Ils abandonnèrent le front de mer, qu’avait retenu par Carthage, sans renoncer aux activités maritimes. Ils établirent un port et un arsenal donnant sur la lagune et reliés au grand large, jusqu'au château de la Goulette, par un canal creusé en 711, alors que s’installait un millier de familles coptes venues d’Égypte. Ce choix fut lourd de conséquences dans le rapport de la ville avec le monde maritime, car la lagune, qui ne cessa de s'envaser, constitua une coupure entre la mer et la ville au développement gêné à l’ouest par la présence d’une autre zone aquatique (sebkha Sijoumi).
Entourée d’une solide muraille au VIIIe siècle, Tunis devint capitale de l’Ifriqiya aghlabide à la fin du IXe siècle. Métropole commerciale et foyer intellectuel, elle traversa une période troublée aux XIe et XIIe siècles qui n’interdit pas l’installation de fondouks italiens. La prospérité de Tunis au XIIIe siècle suscita les convoitises de croisés, soldats et marchands ; en 1280 une flotte aragonaise s’empara un temps de la ville. Toutefois, les marchands tunisiens se répandirent dans l’espace méditerranéen et au-delà : ainsi, en 1498, ce furent deux Tunisiens qui accueillirent Vasco de Gama à Calicut. Au XVIe siècle, les bonnes relations avec le royaume de France se traduisirent par la venue à Marseille de navires tunisiens chargés de présents destinés à François Ier (lions, chameaux) et l’envoi à Tunis de navires français avec produits de luxe destinés au bey. La prise de Tunis par Barberousse en 1534 provoqua la riposte de Charles-Quint avec une expédition contre La Goulette en 1535, mais l’opération resta sans lendemain et les relations avec la France restèrent cordiales ; en 1550 le bey de Tunis accorda à des pêcheurs de Marseille le monopole de la pêche du corail près de Bône. Le gouverneur turc installé à Tunis, peu après la bataille de Lépante (1571), renouvela ce privilège alors que s’esquissait une concurrence avec la Compagnie du corail de Tunis (1575).
Au XVIIe siècle, 80 000 Morisques expulsés d’Espagne s’établirent dans la régence mais la course constitua un des principaux revenus de Tunis. En 1662, pour faire cesser les activités corsaires qui troublaient la circulation en Méditerranée Louis XIV déclara la guerre aux Régences barbaresques (Alger, Tunis et Tripoli). Après des combats sous les murs de La Goulette, la paix fut signée en 1673, mais à la suite de querelles les corsaires d’Alger occupèrent Tunis à plusieurs reprises entre 1686 et 1695. La course reprit au début du XVIIIe siècle et sans atteindre le niveau de ceux d’Alger les bagnes de Tunis abritèrent près de 20 000 captifs rachetés grâce aux rançons versées par les pères rédempteurs alors que des marchands européens étaient présents dans la régence : ainsi, les Français disposaient d’un fondouk et Marseille exportait des milliers « bonnets façon de Tunis » (chéchias) La course tunisienne, barbaresque plus généralement, provoqua de vives réactions des flottes européennes comme le bombardement de Tunis par les Anglais en 1816.
Devançant le projet colonial italien, le protectorat français de 1881 a marqué un tournant dans l'histoire de Tunis avec une forte augmentation de la population européenne : en 1911, à Tunis, qui comptait environ 150 000 habitants, il y avait 70 000 Européens : Français (près de 18 000), Italiens (45 000), Maltais, Grecs, Espagnols et Juifs (20 000). Un port moderne fut construit (1897), reliant Tunis à La Goulette et la mer par un canal de 10 km à travers les eaux de la lagune ; il devint un centre pour l'exportation des phosphates et minerais (fer et plomb), ainsi que des produits agricoles, en échange de combustibles, machines et produits manufacturés.
Depuis l'indépendance (1956), Tunis n’a cessé de s’étendre, passant de 4 000 hectares en 1956 à près de 30 000 en 2008 poussant ses limites jusqu’aux berges des plans d'eau de son site pour une population du Grand Tunis (ville et banlieues) qui a dépassé le million d'habitants en 1984 pour atteindre 2 400 000 en 2008. Alors qu’elle n'a jamais été une ville au bord de l'eau et que le vieux port de La Goulette a subi plusieurs démolitions, Tunis tend aujourd’hui à se tourner davantage vers la mer. Elle est le premier pôle industriel du pays, accueille des activités délocalisées de firmes européennes, tandis que le tourisme a connu un vif essor jusqu’aux événements du printemps 2011.
Bibliographie :
K.J. Perkins, Historical Dictionary of Tunisia, Londres, 1989.
P. Sebag, « Tunis ». Encyclopédie de l'Islam, deuxième édition, 2012.
P. Sebag, Tunis. Histoire d’une ville, Paris, 1998.