Le port mythique de Bonifacio |
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Titre de la collection
Ports mythiques de la Méditerranée
Date de première diffusion
2009
Résumé
Située à la pointe sud de la Corse, face au port sarde de Santa Teresa di Gallura, Bonifacio surveille les Bouches qui portent son nom. Citadelle génoise, il n'y a pas que la vue qui y est imprenable. Ses habitants veillent à l'inviolabilité du port et des murs qui ont résisté à Ulysse et au roi d'Aragon.
Sociétés de production
-
COPEAM - Coproduction
- France Bleu Frequenza Mora - Coproduction
Thème principal
Grands ports
Générique
- Mari Pierre - Journaliste
- Brunini Jean-Pierre - Journaliste
Lieux
- France - Corse - Bonifacio
Langue d'origine
Français
Contexte
Le port mythique de Bonifacio
Gilbert Buti
Située à l’extrémité méridionale de la Corse, dans une région qui a connu une occupation humaine dès le VIIe millénaire avant notre ère, Bonifacio n’a pas été, malgré une légende tenace, fondée en 828 ap.-J.-C. par un certain Boniface, marquis de Toscane. Le site a certes été fréquenté de manière régulière depuis le Xe siècle, au moins, car sa position stratégique intéressait les puissances maritimes qui luttaient pour le contrôle de la Méditerranée occidentale. La ville, bâtie sur d’impressionnantes falaises calcaires et ceinte de murailles, surplombe les Bouches, qui séparent de 12 km la Corse de la Sardaigne, détroit redouté pour la violence des vents et la force courants. La terrible tempête qui suit l’ouverture de « l’outre des vents » par Ulysse ne se situerait-elle pas précisément dans le passage de ce goulet ? Blotti au fond d’une étroite calanque, le port de Bonifacio assurait la maîtrise les relations entre le bassin occidental de la Méditerranée et la Tyrrhénienne. Les Pisans, qui occupèrent les lieux au Xe siècle, sinon avant, en furent chassés en 1195 par les Génois qui y restèrent jusqu’en 1768, après y avoir établi une colonie de 1200 personnes originaires de Ligurie. La cité, considérée comme « le premier rempart de Gênes » (A.-L. Serpentini), défendit les intérêts de celle-ci en lui assurant fidèlement jusqu’au XVIIIe siècle les liaisons avec la Sardaigne agricole ; néanmoins, elle développa dès le Moyen-Age ses propres activités commerciales associées à la course ou piraterie. Bonifacio, qui occupait ainsi une place importante dans la stratégie génoise en Corse et plus largement en Méditerranée occidentale, se trouvait naturellement sous le feu des ennemis de Gênes. En 1420, elle parvint à repousser le siège du roi d’Aragon, et si elle reçut en 1541 la flotte de Charles-Quint lors de l’expédition d’Alger, elle dut s’incliner en 1553 sous les coups des Franco-Turcs commandés par Dragut, alliés aux Corses rangés derrière Sampiero Corso au service du roi de France Henri II.
Ces épreuves auraient participé à la prise de conscience d’une spécificité de Bonifacio en terre corse ; la cession de l’île à la France, en 1768, fut vécue ici comme une tragédie, un abandon sinon une trahison de Gênes. Le traumatisme fut autant économique et culturel que politique. Bonifacio se trouvait désormais à l’écart des routes maritimes qui la reliaient à sa nouvelle métropole ; elle était soudainement marginalisée par le nouveau et lointain pouvoir. La réception d’un convoi de l’expédition d’Égypte (1798) comme l’entretien par ses marins de relations avec la Sardaigne par le biais de la contrebande ne sauraient faire illusion : Bonifacio entra dans une période de retrait maritime que vint troubler, en février 855, la tragédie du naufrage de la Sémillante ; la frégate impériale, portant des renforts en Crimée, se fracassa sur les rochers en franchissant les Bouches-de-Bonifacio, entraînant la disparition d’environ 750 soldats et hommes d’équipage.
La belle endormie se réveille au XXe siècle avec le développement du tourisme et la mise en valeur de son riche patrimoine historique et naturel. Toutefois, dans cette cité qui compte moins de 3000 habitants, de nombreuses voix inquiètes s’élèvent pour dénoncer la balnéarisation en marche du proche littoral et la soudaine intrusion de gens venus d’ailleurs ; elles rappellent à cette occasion, de manière parfois étonnante, le succès de la résistance passée des gens de Bonifacio contre les menaces étrangères, d’Ulysse au roi d’Aragon.
Bibliographie :
Antoine-Laurent Serpentini, Bonifacio, une ville génoise aux Temps Modernes, Ajaccio, 1995.
Antoine-Laurent Serpentini (sous direction), Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
Michel Vergé-Franceschi, Histoire de Corse, Paris, Éditions du Félin, 1996.
Sur le naufrage de la Sémillante on lira, avec prudence certes, une des Lettres de mon moulin qu’Alphonse Daudet consacra à « L’agonie de la Sémillante ».