Le port mythique de Gênes |
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Titre de la collection
Ports mythiques de la Méditerranée
Date de première diffusion
2009
Résumé
Capitale de la Ligurie, le port italien de Gênes est le deuxième port de la Méditerranée derrière Marseille. Surnommée "La Superba", Gênes devint la plus puissante des Républiques maritimes italiennes. Ses navires et ses doges ont été maîtres de la Méditerranée au XIVe puis au XVIIe siècle.
Sociétés de production
-
RAI - Coproduction
- COPEAM - Coproduction
Thème principal
Grands ports
Générique
- Dotto Emmanuele - Journaliste
Lieux
- Italie - Nord Occidentale - Gênes
Langue d'origine
Français
Contexte
Le port mythique de Gênes
Gilbert Buti
Adossée aux pentes de l’Apennin et « jetée à la mer » (Jacques Heers), la « ville du griffon » a un destin lié au système économique méditerranéen.
Occupé dès le Ve siècle avant notre ère, le site a gardé peu de trace de la présence romaine car la bourgade, qui n’est qu’une communauté de pêcheurs au début du Moyen-âge, est restée à l’écart des grandes voies de l’Empire. Toutefois, cette bande littorale passe tour à tour sous le contrôle des Goths (début VIe s.), des Byzantins (537), des Lombards (vers 640) et des Francs (774). Ce n’est qu’au milieu du Xe siècle (958) qu’elle est indépendante, sous la conduite de ses évêques et de familles vicomtales, et qu’elle engage une lutte contre les Sarrasins en mer Tyrrhénienne (1016), en Afrique du nord (1087) et en Espagne (1092). Les profits réalisés lors de ces expéditions favorisent l’essor commercial et le développement d’une flotte mise au service des chrétiens à l’occasion des croisades. En échange de l’aide apportée aux Francs établis en Terre Sainte (Syrie-Palestine), la ville obtient la création de comptoirs commerciaux et des privilèges douaniers. Ses marchands se déploient dans le bassin oriental de la Méditerranée et commandent, au XIIe siècle, les routes maritimes et terrestres qui relient le Levant aux foires de Champagne. Cette expansion se heurte durant des décennies aux ambitions de Pise (vaincue en 1284) et plus encore de Venise. Revers de cet essor, des luttes entre familles marchandes déchirent la vie de la République marchande où le pouvoir glisse des mains des consuls à celles de doges perpétuels (1339-1528).
Néanmoins, ces troubles ne perturbent guère les affaires. Le port, qui bénéficie d’un golfe en eau profonde, se développe dans un espace protégé par les murs d’enceinte de la cité et par une construction artificielle ou Môle pourvue d’un phare. Au XVe siècle des pontons en pierre remplacent les anciens appontements de bois pour l’amarrage des navires marchands, tandis qu’un petit bassin ou darsena, dédié, depuis le XIIIe siècle aux vaisseaux de guerre, accueille un petit arsenal pour la construction navale. Des entrepôts et des magasins longent les quais encombrés d’un port qui dispose d’une administration spécialisée, les « Pères de la Commune ».
Gênes se hisse à partir du XIVe siècle à la tête d’une « économie-monde » (F. Braudel) ; ses hommes d’affaires et ses navires sont présents dans tout le bassin méditerranéen – mer Noire comprise –, fréquentent Séville, Lisbonne comme Bruges, Anvers et Londres, diffusant les produits méditerranéens en un vaste marché et maniant les métaux précieux. Au cœur du port, le palais Saint-Georges (construit après 1260) abrite la Banco di San Giorgio qui symbolise cette puissance financière. Banquiers et armateurs les Génois sont aussi d’intrépides marins, depuis les frères Vivaldi (XIIIe siècle) jusqu’à Christophe Colomb et Vespucci, sans omettre les Doria, illustre famille génoise qui donna tant de capitaines et amiraux comme Andrea qui combattit à Lépante (1571) à la tête de neuf galères. Si la montée en puissance de l’empire ottoman prive Gênes, à partir du XVIe siècle, de ses établissements de Méditerranée orientale et si les découvertes océanes déplacent lentement le centre de gravité de l’économie européenne vers l’ouest, le XVIIe siècle reste encore « le siècle des Génois » (Fernand Braudel). Néanmoins, la montée en puissance des états modernes porte un coup à la cité portuaire : en 1684, le bombardement de Gênes par la flotte de Louis XIV, en représailles de l’aide apportée à l’ennemi espagnol, provoque d’importants dégâts dans l’espace portuaire ; les activités commerciales se réduisent alors à la Méditerranée nord-occidentale. La conquête de la Ligurie par Napoléon Bonaparte donne un regain d’activité à la place, mais c’est l’unité italienne et l’industrialisation du XIXe siècle qui apporte une nouvelle impulsion à la cité dont le port devient le premier de l’Italie unie. Les opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale provoquèrent d’importants dommages au port, mais c’est la « révolution des conteneurs » de la fin du XXe siècle qui conduit à l’abandon du vieux site portuaire – laissé au tourisme – au profit de nouvelles installations, en direction de Voltri. Assurément, Gênes est bien ce « sismographe ultrasensible qui s’agite où que le vaste monde remue » (Fernand Braudel).
Bibliographie :
Antoine-Marie Graziani, Histoire de Gênes, Paris, Fayard, 2009.
Luciano Gallinari (dir.), Genova, una « porta » del Mediterraneo, 2 volumes, Gênes, Istituto di Storia dell’Europa mediterranea, 2005.
Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, 3 volumes, Paris, A. Colin, 1979.
Jacques Heers, Gênes au XVe siècle. Activité économique et problèmes sociaux, Paris, 1961.