Contexte
Alexandrie
Gilbert Buti
La ville-port est placée assurément sous le signe de la rencontre, entre Afrique, Asie et Europe. Rencontre de l’Autre, qu’il soit écrivain, voyageur, pèlerin, philosophe ou marchand. La bibliothèque comme le phare – une des sept merveilles du monde – ne symbolisent-ils pas l’accueil et la rencontre, l’échange et le partage, le cosmopolitisme des cités méditerranéennes ? Fondé en 331 avant notre ère, ce port d’Égypte résulte de la volonté de son fondateur, Alexandre le Grand, d’ouvrir le territoire sur la mer, de créer un espace de rencontre au débouché du Nil. La ville se situe sur une bande de terre entre la mer et le lac Maréotis, dans une région infertile mais salubre. Abri apprécié des marins, le port dispose de deux rades. Sur le lac Maréotis, la rade méridionale qui sert au trafic intérieur est reliée par un canal à la rade extérieure que protège l’île de Pharos, à la pointe de laquelle se situe la « tour à feu » de près de cent mètres de hauteur, permettant aux navigateurs de se repérer sur ce rivage ; la portion de terre qui rattache l’île au continent – l’Heptastade – détermine deux ports maritimes : à l’ouest, Eunostos, et à l’est le havre principal protégé par des jetées
La ville prend de l’importance lorsque Ptolémée, fondateur de la dynastie des Lagides, s’y installe et en fait la capitale de l’Égypte (en 323 avant notre ère), prenant l’aspect qu’elle va conserver jusqu’à la fin de l’Antiquité, avec jardins, monuments, temples, musée, bibliothèque et surtout le célèbre phare élevé par Sostrate de Cnide sur l’île de Pharos (environ 135 mètres de haut), qui a donné son nom à ce type de construction. Le rayonnement scientifique de l’école d’Alexandrie – mathématiques et astronomie d’Euclide à Ptolémée – est sensible dans l’ensemble de l’espace méditerranéen. Les Romains, qui annexent la ville à la fin du 1er siècle avant notre ère – à la suite de la lutte d’Octave Auguste contre Marc Antoine et Cléopâtre – en font un important port militaire et commercial. Il accueille des boutiques, des chantiers navals, des ateliers produisant des tissus, des poteries, de la verrerie, des pièces d’orfèvrerie, des parfums ; ces marchandises, associées à celles de l’intérieur des terres – blé, riz, lin et papyrus – sont échangées contre des huiles, vins, étoffes, métaux, bois.
Sous la domination byzantine Alexandrie demeure une capitale intellectuelle majeure ; la christianisation de l’Égypte au IIe siècle en fait également un important centre religieux du monde méditerranéen jusqu’à la conquête perse (616) puis arabo-musulmane (641), époque de la destruction de la bibliothèque riche de plus de 700 000 ouvrages. Le dynamisme commercial et le rôle politique déclinent alors que la capitale est désormais Al Fustat-Le Caire. Une nouvelle phase de prospérité débute après l’inauguration en 1869, du canal de Suez ; Alexandrie devient la principale place de commerce du pays et son port, le premier du pays, abrite une brillante société cosmopolite où se côtoient Grecs, Italiens, Français, « Levantins », ainsi que des minorités égyptiennes coptes et juives. L’indépendance de l’Égypte (1956), accompagnée de troubles au sein de ces communautés, voit le développement industriel du port d’Alexandrie (raffineries, cimenteries, chantiers navales, textiles, cuir, industries agroalimentaires et chimiques) adossé à un large arrière-pays et assurant les trois-quarts des importations égyptiennes. Malgré la rareté des vestiges antiques, le tourisme se développe : la station balnéaire, qui attire un nombre croissant de Cairotes, bénéficie en période estivale d’un climat plus agréable que celui de l'arrière-pays. Avec plus de 4 millions d’habitants, la deuxième ville d’Égypte est fière de sa nouvelle bibliothèque qui renoue avec un passé prestigieux : fondée dans le cadre d’un projet mené conjointement entre l'Unesco et l'Égypte, cette bibliothèque du monde méditerranéen (Bibliotheca Alexandrina) construite sur les ruines de l’ancien édifice devrait pouvoir accueillir environ 5 000 000 de volumes, en attendant que se concrétise un musée sous-marin pour contempler in situ les vestiges de la cité antique que des recherches sous-marines ont permis, à la fin du XXe siècle, de localiser (jetées et fragments du phare)
Bibliographie :
Bernand André, Alexandrie des Ptolémées, Paris, 1994.
Cabanes Pierre, Le monde hellénistique, Paris, 1995.
Claudel Paul-André, Alexandrie. Histoire d'un mythe, Paris, 2011
Empereur Jean-Yves, Alexandrie redécouverte, Paris, 1998
Empereur Jean-Yves, Le phare d’Alexandrie, Paris, 1998,
Fraser P. M., Ptolemaïc Alexandria, Oxford, 1972.
Ilbert Robert, Alexandrie, 1830-1930, Le Caire/Paris, 1996.
Mantran Robert (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, 1989.