La ruelle de Naguib Mahfouz |
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Titre de la collection
Collection ERTU
Date de première diffusion
Résumé
Documentaire sur la ruelle dans laquelle à grandi le romancier égyptien Naguib Mahfouz. C'est l'occasion de présenter quelques traditions égyptiennes, les habitudes des habitants du quartier qui se retrouvent dans les cafés...
Chaîne de première diffusion
ERTU - Channel 2
Forme audiovisuelle
Documentaire
Thème principal
Langues et littératures
Thème secondaire
- Société et mode de vie / Espaces publics et sociabilités
Lieux
- Egypte - Basse Egypte - Le Caire
Contexte
La ruelle de Naguib Mahfouz – ERU00359
Richard Jacquemond
Ce court-métrage a été produit par la télévision égyptienne à une date non précisée mais qui se situe sans doute peu après l’attribution du Nobel de littérature à Naguib Mahfouz (octobre 1988), évoquée au début du film, et en tout cas avant l’attentat à l’arme blanche dont il a été victime en 1994 et qui a diminué ses facultés physiques. Son sujet est beaucoup plus large que ne le laisse entendre le titre : il s’agit, en moins de vingt minutes, d’un véritable portrait de l’écrivain, saisi, fait rare, dans son intimité (chez lui, à son bureau personnel, en compagnie de son épouse). Un autoportrait puisque pour l’essentiel, c’est lui-même qui parle : de son enfance dans la vieille ville du Caire, de l’inspiration qu’il en a tirés, de sa fameuse routine, du cercle de ses amis les plus proches (al-harafich, « les gueux »), de son attachement à l’Egypte. En cela, on voit comment Mahfouz a été un acteur majeur de l’élaboration de son propre mythe. L’iconographie de ce court-métrage – pour la plupart, non pas des images d’archives mais des extraits de films égyptiens plus ou moins anciens – concourt à cette construction mythologique.
Le moment fort du film est son centre, quand Mahfouz, justement, donne les clés de cette élaboration mythique de la réalité sociale à laquelle il s’est livré dans son œuvre romanesque (trop souvent réduite à une variante égyptienne du réalisme naturaliste à la Dickens ou Zola).
Deux mots sont centraux ici : hara et fetewwa. La hara, pauvrement traduite ici par ruelle (et alley en anglais) est en fait un petit quartier – ce dernier terme, souvent choisi par les traducteurs français, est plus approprié mais reste approximatif. Dans la vieille ville du Caire, la hara est un petit quartier fermé, fait d’une rue centrale s’ouvrant sur des ruelles et impasses, un peu à la façon de la veine centrale et des nervures d’une feuille d’arbre. Du fait de cette configuration urbanistique particulière, il se prêtait tout à fait à l’usage romanesque qu’en fait Mahfouz : la hara devient microcosme social, modèle réduit et symbole de la nation égyptienne, voire de l’humanité tout entière comme dans Les fils de la médina (titre original Awlad haret-na, « les enfants de notre quartier »).
Dans son enfance, Mahfouz a connu les derniers fetewwa : dans Récits de notre quartier (le titre français reproduit ici fidèlement l’original) il les décrit comme des sortes de fiers-à-bras ombrageux, prêts à mourir pour des broutilles, survivance pittoresque du temps reculé où, l’autorité de l’Etat étant moins assurée, chaque hara devait s’en remettre à son fetewwa et à ses acolytes pour assurer sa protection, moyennant rétribution bien sûr. Et de même qu’il a fait de la hara le symbole de l’Egypte entière (ou de toute société humaine), Mahfouz fait du fetewwa le symbole du dirigeant et utilise ce personnage pour faire passer sa philosophie politique et sa critique des hommes de pouvoir. Ce fut particulièrement vrai sous Nasser. Formé dans l’Egypte libérale et coloniale de l’entre-deux-guerres, Mahfouz est resté toute sa vie fidèle aux valeurs et idéaux humanistes de sa jeunesse, qu’il exprime avec éloquence à la fin de ce court-métrage. Il aurait certainement été heureux d’apprendre que ce peuple égyptien auquel il s’est si bien identifié a choisi l’année de son centenaire (2011) pour se soulever contre le fetewwa qui l’opprimait.
Bibliographie :
Naguib Mahfouz, Récits de notre quartier, Arles, Actes Sud (Babel), 1999 ; et Les fils de la médina, Actes Sud (Babel), 2003
André Raymond, Le Caire, Paris, Fayard, 1993
May Telmissany, La Hara dans le cinéma égyptien. Quartier populaire et identité nationale, Sarrebruck, Editions universitaires européennes, 2011