Les anciens combattants de l'Afrique française à Marseille |
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Titre de la collection
Reportages régionaux pour le journal national
Date de première diffusion
11/07/1958
Résumé
10 000 musulmans français participaient en 1958 au défilé du 14 Juillet sur les Champs Elysées. Anciens combattants arabes ou africains qui s' étaient battus pour la France, ils débarquent sur les quais de la Joliette au port de Marseille avant de gagner Paris par le train.
Sociétés de production
-
Office national de radiodiffusion télévision française - Production propre
Chaîne de première diffusion
ORTF
Forme audiovisuelle
Journal
Thème principal
Enjeux historiques contemporains XIXe-XXIe s.
Thème secondaire
- Société et mode de vie / Fêtes et traditions
Lieux
- France - Sud Est - Marseille
Langue d'origine
Français
Contexte
Les anciens combattants de l'Afrique française à Marseille
Jean Marie Guillon
Ce reportage, qui se déroule tout entier sur fond du Chant des Africains, relève, dans ses objectifs, comme dans sa mise en scène, de la propagande impériale la plus classique. La venue en France de délégations d'anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Afrique noire à Marseille et leur départ en train vers Paris pour participer au défilé du 14 juillet ne constitue pas, à vrai dire, un "évènement". Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, qu'ils sont associés à des cérémonies militaires en métropole. Et, contrairement à ce que l'on affirme par ignorance aujourd'hui, aucune "occultation" ne masque leur participation aux combats pour la libération du pays, qui, au contraire, fait partie du répertoire traditionnel du discours colonial. C'est même l'un des arguments régulièrement mis en avant par ceux qui entendent garder l'empire dans le giron de la France.
Le reportage est révélateur du climat qui règne après le 13 mai 1958 et la chute de la IVe République. Nombre de ceux qui ont applaudi au retour au pouvoir du général De Gaulle se font des illusions sur ses convictions et ses orientations. C'est ce qu'illustre le commentaire qui, par son ton et ses propos, ne recule pas devant l'emphase. Il se situe dans l'atmosphère du mois de mai 1958 lorsque l'armée organisait en Algérie des manifestations de fraternisation entre Nord-Africains et Européens. Le Chant des Africains, composé en 1943 pour servir d'hymne à l'Armée d'Afrique, est devenu le chant des partisans de l'Algérie Française. Le reportage est donc significatif d'une époque, mais il répond aussi à des objectifs politiques immédiats.
De Gaulle a besoin d'être plébiscité, à la fois pour imposer son autorité en France et surtout en Algérie, et pour réformer les institutions, avec en particulier la création par le projet de Constitution qu'il va soumettre à référendum de la Communauté Française, qui doit offrir un cadre politique aux anciennes colonies. De Gaulle est un réaliste. Sans doute est-il convaincu de la nécessité de faire la part du feu, tant en Algérie qu'en Afrique noire, et que l'émancipation des territoires dominés par la France est inévitable. Mais il souhaite maintenir son influence, contrôler cette évolution et, à défaut de conserver l'Algérie, négocier en position de force. Les anciens combattants sont, le plus souvent, les meilleurs relais de l'emprise française sur les autochtones (les "indigènes", comme on dit encore souvent) et l'opération de ce 14 juillet prend alors tout son sens, d'autant qu'ils seront appelés à se prononcer lors du référendum.
Le Général, lors de son premier voyage en Algérie, du 4 au 6 juin, a évoqué la fraternité qui devait unir les "dix millions de Français d'Algérie" et l'égalité des droits qui devait être établie entre eux. À sa deuxième visite, au début juillet, il a confirmé que tous - même les femmes - se rendraient aux urnes pour donner leur avis sur la nouvelle constitution. Il délivrera un message à la "vaste et libre communauté" des peuples d'Outre-Mer, le 13, à la veille du défilé, alors qu'il s'apprête à entreprendre, au mois d'août, une vaste tournée en Afrique noire qui le conduira de Madagascar au Sénégal, en passant, entre autres étapes, par Brazzaville où s'était tenue le 30 janvier 1944 une fameuse conférence ouvrant des perspectives de liberté aux peuples colonisés.