Cyril Isnart

 

La fascination qu’exerce la cohabitation des trois religions du Livre dans l’espace arabo-andalou médiéval constitue un fait original dans les dynamiques patrimoniales de la Méditerranée contemporaine. Les Juifs, Chrétiens et Musulmans du Moyen-Âge ont en effet partagé un territoire méditerranéen et des ressources économiques, tout en formant une société pluriculturelle relativement sereine, jusqu’en 1492 avec la prise de Grande par les Catholiques, moment qui voit basculer Al’Andaluz vers le christianisme. L’architecture, l’agriculture et la musique ont été durablement marquées par cette cohabitation, et l’action des responsables culturels publics ou privés, notamment en Andalousie, se concentre sur une mise en valeur culturelle et historique, mais aussi touristique et économique, des traces de la civilisation originale qui s’est développée alors. Mettant en scène et récit un héritage andalou, c’est-à-dire de l’époque de la convivencia des communautés religieuses, les projets patrimoniaux peuvent être conduit par les pouvoirs des collectivités territoriales, nationales ou internationales, comme c’est le cas de la reconnaissance du flamenco en tant patrimoine culturel immatériel par l’Unesco. Des structures plus ouvertes intégrant la société civile, qui sous forme d’associations ou de fondations, comme le projet « El Legado Andalousi » de Grenade, tentent de participer à la valorisation de cet héritage particulier.

Ces actions ne sont pas simplement des revendications et des usages particularistes de l’Andalousie actuelle. Elles s’inscrivent dans un rapport méditerranéen Nord-Sud qui tente de faire prendre conscience de l’histoire partagée entre le monde maghrébin et le sud de l’Europe et de créer des instances de coopération commune entre les deux rives de la mer intérieure. Sous le nom d’Andalousie se trouvent alors regroupés l’Espagne, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Dans le cadre du projet de Grenade, ce territoire sera parcouru de routes culturelles internationales thématiques, qui sont autant de projets de reconnaissance de l’histoire commune que d’occasion de développement économique et culturel. Des volets plus orientés vers l’aide humanitaire sont également prévus qui complètent alors une véritable reconstruction contemporaine d’Al’Andaluz à travers le patrimoine et au service des populations.

 

El legado andalusí : http://www.legadoandalusi.es/es/fundacion/principal/inicio

 

Cohen M. R. 1994, Under Crescent and Cross. The Jews in the Middle Ages, Princetown University Press.

 

Menocal M. R. 2002, The Ornament of the World: How Muslims, Jews, and Christians Created a Culture of Tolerance in Medieval Spain, Brown.

 

Pierre Desrosiers 1999, « L’héritage d’al-Andalus : l’Espagne des Maures », Continuité, 81, p. 44-47.