Contexte
Le parc régional de Corse : le plus beau jardin du monde
Martine Chalvet
Tourné en 1976, le reportage évoque la création, les missions et la gestion du parc naturel régional de Corse. Il s’agit à la fois de protéger un patrimoine naturel, culturel et historique tout en développant une économie et un tourisme respectueux de la nature et des traditions corses.
Actuellement, le Parc Naturel Régional de la Corse s'étend sur plus de 350 000 ha soit près de 40 % de l'île et regroupe plus de 140 communes tout en comprenant la plus grande partie de la montagne et 80 km de côtes. Créé le 15 mai 1972 dans un but de conservation du patrimoine paysager, naturel et culturel de la Corse, il s’inscrit parfaitement dans la politique française des parcs naturels régionaux. Dans une formule de protection de la nature moins contraignante que celle des parcs nationaux, le parc naturel régional englobe des territoires ruraux habités présentant un patrimoine naturel et culturel remarquable mais aussi des possibilités d’offrir à la population des zones de détente, de repos et de tourisme. Dans les années 1970, les parcs naturels régionaux sont à la fois un outil d’aménagement du territoire pour animer les secteurs ruraux en difficulté mais aussi de protection de l’environnement et des paysages. Finalement, il s’agit de concilier la protection de la nature, des sites et des paysages et le développement économique et social d’une région.
Le parc naturel régional de Corse a donc été créé autour d’une conciliation entre les habitants, les élus et les protecteurs de la nature comme Roger Molinier, professeur de biologie végétale à la Faculté des Sciences à Marseille. Le parc naturel régional est d’ailleurs géré de manière mixte. Dans un premier temps, la gestion s’est faite autour de 3 organes : un syndicat mixte de gestion formé d’élus, un organe d’administration et de direction et l’Association des Amis du Parc Naturel Régional, organe de réflexion et de liaison entre le public et les organismes de gestion. Labellisé par l’Etat, le parc a défini dans une charte ses missions, son encadrement, son projet de conservation et de développement.
Dans le contexte de la mise en place d’un ministère de l’environnement (1971), de la loi littorale (1975) et de la loi sur « la protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent » (1976), la mission de protection de l’environnement dévolue au parc est d’autant plus importante. Cette mission s’accorde aussi au cas spécifique de la Corse. Dans le contexte d’un fort développement touristique et d’une très forte pression foncière, la création du parc régional de Corse vise à protéger les forêts, les massifs montagneux, les lacs d’altitudes et certains littoraux ainsi que quelques sites réputés comme le col de Bavella, la réserva naturelle de Scandola ou encore les gorges de la Restonica et la vallée du Fango. La mise en place d’un parc renforce également la protection de la faune notamment du gypaète barbu, du balbuzard pêcheur et du mouflon, mais aussi la protection de la flore et notamment des espèces endémiques. Elle permet enfin de mieux lutter contre les destructions liées aux incendies, au camping sauvage, à la circulation des voitures ou des bateaux et interdit l’extension trop importante des constructions de résidences ou d’hôtels. Témoin de son succès, cette politique de protection de certaines zones sensibles du parc a été renforcée par une législation spécifique et des classements internationaux. La presqu’île de Scandola a, par exemple, été classée comme réserve nationale (1975) et comme aire marine protégée. Elle apparaît aussi sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco (1983) et dans le réseau européen des sites Natura 2000.
D’un autre côté, cette protection de la nature doit prendre en compte les besoins économiques et sociaux des habitants de l’île. Elle ne bloque pas toute activité économique et toute exploitation des ressources naturelles. Autrefois rendus responsables de la dégradation des bois et des maquis mais aussi des incendies de forêt, les bergers sont, par exemple, intégrés à la politique du parc. De leur côté, les bois sont également exploités par l’ONF en évitant les coupes trop rapprochées et les coupes à bancs. Sur le littoral, la pêche, sans être totalement interdite, est réglementée. Le développement touristique est également encouragé avec la mise en place d’infrastructures de logement et de sentiers de randonnées notamment le fameux GR 20. Pour autant, cette activité doit être un tourisme de découverte. Il ne faut pas reprendre les erreurs du développement touristique des côtes varoise ou languedocienne. Enfin, le parc se fonde sur le respect des traditions et de l’identité corses. L’artisanat local, les spécialités culinaires, les traditions populaires, les savoir-faire locaux, les traditions architecturales et la culture corse sont encouragés comme autant de moyens de développement d’un « tourisme durable ». De même le patrimoine culturel de l’île est valorisé. Dans la région de Lévie, le parc a soutenula création d’un musée départemental de l’Alta Rocca et d’une promenade archéologique. Depuis le sentier Mare a Mare, on peut ainsi admirer les sites de Cucuruzzu et Capula, deux casteddi (forteresses), vestiges de l’âge du bronze. Cette orientation s’accorde à une volonté pédagogique : faire découvrir aux visiteurs mais aussi aux enfants et aux scolaires l’ethnologie, l’ethnobotanique, le patrimoine architectural, les paysages et l’archéologie lors de visites guidées, de séjours, de classes vertes ou de journées découvertes.
Bibliographie
- Héritier S., (coord.), Nature et patrimoine au service de la gestion durable des territoires, Ed. MRCT/CNRS, Meudon, 2009.
- Richez F. et J., « Parcs naturels et Tourisme en milieu méditerranéen français », Léandro Pedrini (coord.), Actes du colloque de géographie du Tourisme, Taormina, 2-5 avril 1973, tourisme et vie régionale dans les pays méditerranéens, publié en 1975
- Revue Travaux scientifiques du Parc naturel régional de Corse et des Réserves naturelles.