Grèce : le tarama |
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Titre de la collection
La cuisine du soleil
Date de première diffusion
20/10/1981
Résumé
Claude ROBIN assisté par une femme grecque, prépare une salade de tarama. Le tarama, c'est tout simplement des oeufs de poisson, que l'on accompagne avec des citrons, de l'huile d'olive, des pommes de terre, un oignon, des oeufs, des olives noires, des tomates, de la salade verte, du pain de mie et des grosses crevettes ou des gambas.
Sociétés de production
-
France 3 Marseille - Production propre
Chaîne de première diffusion
FTV - F3
Forme audiovisuelle
Magazine
Thème principal
Traditions culinaires
Générique
- Robin Claude - Producteur
- Ordines Jacques - Réalisateur
Langue d'origine
Français
Contexte
Grèce : le tarama
Mayalen Zubillaga
En grec, le mot « tarama » désigne les œufs de poisson salés. Ils servent à préparer le « taramosalata », hors-d’œuvre à base d’œufs de poisson que l'on appelle simplement « tarama » en France. On retrouve la recette dans d'autres pays du bassin méditerranéen. Il s'agit d'une spécialité ancienne se présentant sous la forme d'une pâte lisse et onctueuse que l'on confectionne avec des œufs de poisson salés (notamment de cabillaud, de mulet ou de carpe), de la mie de pain trempée dans du lait (parfois remplacée par de la purée de pommes de terre), de l'huile, du jus de citron et de l'oignon.
En Grèce, le tarama est traditionnellement accompagné de légumes frais (salade et tomates notamment). Il est servi parmi les « mezze » (assortiment de hors-d’œuvre) et pendant les jours de carême, notamment à l'occasion du « lundi pur » ou « katheri deftera » : après les festivités du carnaval, cette journée devenue une grande fête populaire marque le début du grand carême orthodoxe, période de jeûne de quarante jours. Or, lors du déjeuner du « lundi pur », la viande est exclue, donnant la première place aux mets traditionnels à base de produits de la mer, parmi lesquels le taramosalata.
Cette recette, présentée dans une émission régionale sur « la cuisine du soleil », renvoie ici à la présence grecque en France. Si celle-ci a commencé dès l'antiquité, c'est surtout avec la Première Guerre mondiale qu'elle est devenue massive, à l'initiative de l'État français qui manquait alors de main-d’œuvre dans ses usines d'armement. À partir de 1916 s'est ainsi constitué, en quelques années, un réseau de communautés grecques sur une grande partie du territoire (notamment à Marseille et à Paris), conforté par une seconde vague d'immigration spontanée entre 1922 et 1926. Ces deux vagues migratoires ont été complétées par une vague plus limitée après la Deuxième Guerre mondiale (1945-1975).
Or, les migrations ne se limitent pas aux mouvements de populations : les migrants, tels les milliers de Grecs venus en France, apportent avec eux une palette de saveurs, de produits et de recettes, maintenant leur sentiment d'appartenance à une communauté et reconstituant de ce fait leur identité nationale ou régionale là où il n'existe plus d'unité spatiale. Manger et boire, deux actes vitaux et quotidiens, recouvrent en effet pour eux une fonction supplémentaire : celle de trait-d'union entre leur pays d'origine et leur terre d'accueil, de nourriture de l'âme autant que du corps (les anciens esclaves noirs américains parlent de « soul food », nourriture de l'âme). D'ailleurs, la perte de la langue d'origine se fait généralement dès la deuxième génération, tandis que les habitudes culinaires restent jusqu'à la troisième ou la quatrième génération, voire davantage pour les plats festifs. Les migrants recomposent également leur cuisine avec les produits et les habitudes de leur terre d'accueil, tout en la faisant découvrir à la population autochtone, que ce soit par le biais de relations interpersonnelles ou la création de commerces alimentaires. Le tarama présenté dans cette émission, en plus d'être nutritif et organoleptique, devient de la sorte un élément symbolique et porteur de sens pour les communautés grecques installées en France.
Bibliographie :
BRUNEAU Michel, « Une immigration dans la longue durée : la diaspora grecque en France », Espace, populations, sociétés, 1996-2-3. Immigrés et enfants d'immigrés. pp. 485-495, Persée [En ligne], consulté le 19 mai 2012. URL : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/espos_0755-7809_1996_num_14_2_1775
CORBEAU Jean-Pierre, POULAIN Jean-Pierre, Penser l'alimentation. Entre imaginaire et rationalité, Privat, Toulouse, 2002
HUBERT Annie, « Cuisine et politique. Le plat national existe-t-il ? », Revue des sciences sociales n° 27, « « Révolution dans les cuisines ».
Alexiadou Vefa, La cuisine de Vefa, Phaidon, 2011.