Fête d'El Aïd el Kébir à Marseille |
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Titre de la collection
FR3 Provence méditerranée le journal
Date de première diffusion
13/07/1989
Résumé
Le sens de la fête de l'Aïd El Kébir qui succède au jeûne du Ramadan et l'application des traditions musulmanes en pays européen .
Sociétés de production
-
France 3 Marseille - Production propre
Chaîne de première diffusion
FTV - F3
Forme audiovisuelle
Journal
Thème principal
Pratiques religieuses
Générique
- Vigouroux Robert - Participant
Lieux
- France - Sud Est - Marseille
Langue d'origine
Français
Contexte
Fête de l'Aïd el Kébir à Marseille
Mayalen Zubillaga
L'Aīd el-Kébir ou Aïd al-Adha est la commémoration annuelle, par le sacrifice d'un mouton, du sacrifice d’Ibrahim (Abraham dans la Bible), prêt à égorger son fils par soumission à Dieu et arrêté par l'ange Gabriel qui, au dernier moment, remplace l'enfant par un bélier. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une obligation religieuse, sa pratique est recommandée pour les familles ayant les moyens d'acheter un mouton et celles-ci y sont très attachées. L'Aïd, fête accomplie dans le cadre familial, doit en effet attirer la bénédiction divine (baraka) sur ceux qui le célèbrent. Il s'agit aussi de la fête de la réconciliation, du partage et de la solidarité avec les nécessiteux. Concrètement, c'est le chef de famille qui sacrifie le mouton, dans le jardin ou devant la maison familiale. Ainsi, le mouton de l'Aïd est plus qu'un mouton halal (licite et consommable par les musulmans).
Ici, il n'est pas tant question de l'Aïd en tant que rituel que de la pratique de cette commémoration dans un contexte d'immigration, qui plus est dans un pays de laïcité d'État et de liberté de culte. Marseille, grand port méditerranéen, cristallise des enjeux nationaux et plus largement européens autour de la célébration de l'Aïd, qu'ils soient symboliques, juridiques ou sanitaires. Pour les migrants, en effet, la fête de l'Aïd correspond à une pratique religieuse, mais aussi à une nostalgie des fêtes du pays d'origine, un sentiment d'appartenance à une communauté (locale et mondiale) et un besoin identitaire. Or, l'Union européenne stipule « la liberté de pensée, de conscience et de religion », mais le sacrifice est illégal quand il est pratiqué par le chef de famille, en-dehors d'un abattoir, seul lieu légal de l'abattage des animaux de boucherie.
C'est pourquoi pendant longtemps, les musulmans – deuxième communauté religieuse de France – ont sacrifié le mouton de l'Aïd de façon clandestine, à leur domicile. C'est surtout dans les villes que cette pratique a posé problème, donnant lieu à une longue série de polémiques (« mouton égorgé dans la baignoire » des années 1980, plaintes de voisins indisposés par les nuisances provoquées par le sacrifice dans des lieux inappropriés comme les caves, les garages ou les espaces communs des cités de banlieue...), d'autant plus vives qu'en France, l'habitat des cités et des banlieues urbaines est caractérisé par une grande mixité religieuse et culturelle.
Dès les années 1980, les pouvoirs publics et certaines collectivités locales ont donc cherché des solutions permettant aux populations musulmanes de fêter l'Aïd el-Kebir tout en restant acceptables pour les administrés issus d'autres cultures. Des espaces temporaires de sacrifice (ici, d'anciens abattoirs de la ville de Marseille) ont notamment été mis en place par certaines mairies. Mais ces sites dérogatoires ont été dénoncés en 1999 par le Bureau Vétérinaire de l’Union européenne. Le nombre d'abattoirs n'ayant cessé de baisser depuis les années 1980, de nombreuses familles se sont donc résignées à l'achat d'une carcasse de mouton chez le boucher ou au supermarché. Dès lors, le sacrifice rituel a nécessairement fait l'objet de recompositions, que celles-ci concernent le lieu du sacrifice, la mise en œuvre du sacrifice lui-même ou la hiérarchie des valeurs au sein de la fête familiale (la cuisine du mouton, féminine, a par exemple pris le pas sur le sacrifice lui-même).
Bibliographie :
Bergeaud-Blackler Florence, « De la viande halal à l’halal food », Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 21 - n°3 | 2005, mis en ligne le 01 décembre 2008, consulté le 09 décembre 2011. URL : http://remi.revues.org/2524
BRISEBARRE Anne-Marie, « Sacrifier pour l’Aïd el Kébir en France », site de l'Observatoire Cniel des Habitudes Alimentaires (OCHA), [En ligne], mis en ligne le 17 décembre 2007, consulté le 22 mai 2012. URL : http://www.lemangeur-ocha.com/sciences-humaines/textes-exclusifs/detail/auteur-texte/0/sacrifier-pour-laid-el-kebir-en-france/disp
BRISEBARRE Anne-Marie. « La Célébration de l’Ayd el-Kébir en France : les enjeux du Sacrifice », Archives des sciences sociales des religions n° 68/1, 1989, pp. 9-25.