- (Silence)

- Des milliers de personnes, Plus d’un milliard disent les statistiques qui avec plus ou moins de ferveur et de conviction manifestent leur croyance en un dieu unique.

- (Silence)

- Qu’ils soient Chrétiens, Juifs, Musulmans, Dans le monde entier, ils sont présents.

- (Silence)

- Mais tous ils se reconnaissent un ancêtre commun Abraham qui figure au porche des cathédrales

- et à qui Dieu aurait dit d’après la Bible, je ferai de toi une grande nation, et d’après le Coran, tu seras le guide de mon peuple.

- (Silence)

- Et Jérusalem est toujours le témoin des trois approches de la révélation, Cette mosquée recouvre le rocher où selon une tradition juive Abraham aurait eu un contact avec Dieu

- et où selon l’Islam, Mohammed aurait posé le pied pour s’élever vers Allah.

- (Silence)

- Les Musulmans ici comme à la Mecque viennent toucher cette pierre.

- (Silence)

- A cent mètres à peine, c’est le Mur des Lamentations le long duquel les Juifs prient depuis deux millénaires en souvenir de leur temple détruit.

- (Silence)

- Et non loin de là les Chrétiens suivent la Voie Douloureuse qui monte vers le Golgotha et le Sépulcre du Christ.

- (Silence)

- Et cette confrontation, elle est partout présente dans les paysages méditerranéens.

- (Silence)

- Mais ces religions n’ont-elles pas subies l’influence du passé culturel de la Méditerranée?

- (Silence)

- Sans doute, Les traces de ce passé sont là, matérielles, Ainsi à Kairouan, la mosquée a emprunté ses chapiteaux à un édifice romain.

- Et à Rome cette église s’est incrustée au cœur du temple d’Antonin et de Faustine, Ce ne sont là que des exemples entre mille.

- Mais plus encore le passé survit dans les comportements, En Corse à quelques kilomètres de ces pierres levées, vestiges des cultes païens, apparaissent chez une chrétienne les croyances aux forces de la nature.

- Ca c’est l’œuf de l’Ascension.

- Et c’est-à-dire ?

- C’est-à-dire que quand il fait mauvais, quand il y a l’orage, on le met sur la fenêtre et l’orage devrait s’arrêter.

- Et celui-là il se conserve, il ne se pourrit jamais, L’année prochaine si on l’ouvre il y a peut-être une petite épingle mais pas autre chose, Parce que c’est le jour de l’Ascension.

- Et il a été béni ?

- Non.

- Il est né le jour de l’Ascension, Il a été pondu le jour de l’Ascension.

- Chaque troupeau a une brebis, la plus gentille, On lui met la clochette et dedans, à l’intérieur il y a du pain béni de Saint-Roch.

- (Silence)

- Ici en Italie au pied de ces rochers sur les lieux mêmes d’une source sacrée à laquelle les Romains dans l’Antiquité vouaient un culte à la fertilité,

- des fidèles catholiques viennent en pèlerinage prier pour la fécondité de leur foyer.

- (Silence)

- Et en Grèce ces Chrétiens orthodoxes qui la veille de Pâques égorgent des moutons et avec le sang tracent un signe de croix aux portes de leur maison répètent des rites cruels de leurs ancêtres.

- (Silence)

- Ces sacrifices d’animaux qui apparaissaient aussi bien dans le culte de Mithra que dans ces magnifiques montées au Parthénon des Panathénées.

- (Silence)

- 70 à 80 générations à peine, Oui, 80 vies d’hommes ou de femmes nous s’éparent de ces peuples de la Méditerranée qui avaient crée ces civilisations grecques et romaines qui nous ont marqué si profondément.

- (Silence)

- Ces peuples avaient un Olympe habité d’innombrables divinités riches d’histoires porteuses du mythe.

- (Silence)

- Mais 400 ans avant notre ère, ils avaient déjà abordé dans leur philosophie les grandes interrogations qui touchent l’homme et son destin.

- (Silence)

- Ils avaient élevé à leurs divinités ces temples, ces édifices extraordinaires autour desquels des foules entières se rassemblaient, priaient, sacrifiaient, écoutaient l’oracle, Ainsi à Delphes.

- (Silence)

- Alors comment ont-ils pu parvenir à un monothéisme aussi exclusif?

- C’est la religion judaïque qui a été le ferment de cette transformation.

- (Silence)

- Qu’en demeure-t-il aujourd’hui en Méditerranée, Des communautés dispersées comme celle de Djerba.

- (Silence)

- A Rome sans doute subsiste sur la route du Tibre face au Vatican une vaste synagogue et les rues du vieux quartier.

- (Silence)

- A Carpentras haut lieu du Judaïsme provençal existe une communauté très vivante mais réduite.

- (Silence)

- Et on pratique toujours le service religieux, c’est-à-dire la prière le vendredi soir, samedi matin et le samedi soir.

- (Silence)

- Dans l’ensemble la Méditerranée ne semble pas avoir été favorable au Judaïsme, D’ailleurs, ce n’est pas en Méditerranée même qu’est né le Judaïsme mais plus à l’est dans les plaines de la Chaldée.

- Il y a environ 4000 ans là où vivaient le long des fleuves les peuples héritiers de Sumer, Dieu, comme le rapporte la Bible, ce serait révélé à un homme de race sémitique, Abraham.

- Abraham, personnage historique ou figure légendaire?

- (Silence)

- Il lui dit, va t’en, Quitte ton pays, ta famille, la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir, Et pendant des siècles et des siècles ces tribus qui ne sont pas encore soudées en un peuple vont errer.

- On peut voir là un symbole, Le désert, c’est le lieu de l’épreuve, de la purification, La marche plus que la recherche de la Terre Promise, c’est la quête de dieu.

- Pas tout à fait, la Bible qui nous rappelle le périple n’est pas qu’un livre de religion mais c’est aussi un livre d’histoire que l’archéologie conteste dans certains cas mais confirment dans d’autres.

- Par exemple, les Hébreux ont certainement rencontré Jéricho sur leur route, une des plus vieilles cités du Moyen-Orient mais beaucoup plus tôt que la Bible le dit et ce n’est pas eux qui l’ont détruite.

- Parmi les tribus va se dégager un groupe, les fils d’Israël.

- (Silence)

- Dans les pays qu’ils traversent les croyances s’adressent à des idoles, Mais leur dieu, Yahvé, qui signifie tout simplement, il est, leur Dieu semble les poursuivre.

- (Silence)

- Pendant 400 ans, ils vont vivre sur les bords du Nil, Et sans doute parce qu’ils sont des immigrants, sans doute parce qu’ils sont des minorités tombées en servitude,

- ils se resserrent face à l’autorité du pharaon au sein d’une société dont la religion pénètre toutes les activités.

- (Silence)

- Mais le dieu des Israélites selon la Bible ne les abandonne pas, Au plus profond de leur misère, ils les aident à fuir l’Egypte, Et dans le désert du Sinaï il conclue une alliance avec Moïse.

- Si vous gardez mon alliance, vous serez pour moi une propriété personnelle parmi tous les peuples.

- Cette alliance, Moïse aura à la défendre contre son peuple lui-même retourné à l’adoration du veau d’or.

- Au cours du siècle plus d’une fois les Israélites se feront séduire pas des divinités étrangères.

- Alors surgiront des prophètes pour les ramener à l’observance de leur loi, loi rigide qui garantit la solidarité et la pureté de ce peuple élu et que ce temple détruit et reconstruit sans cesse abrite à défaut de toute image.

- Loi religieuse mais qui va donner aux Juifs déjà répandus en Méditerranée leur identité ethnique et nationale.

- Mais ces communautés étaient-elles nombreuses en Méditerranée?

- J’aime bien la manière dont vous posez la question, Elle implique déjà votre connaissance de l’existence d’une diaspora.

- Vous avez une population juive dispersée sur le pourtour méditerranéen s’adonnant à toutes sortes d’occupations sans aucune spécialisation.

- Vous auriez imaginé ne voir que des marchands, des gros marchands, des prêteurs sur gage, que sais-je encore, Voilà les métiers classiques, Non.

- Vous trouvez des bouchers et des boulangers et ensuite vous trouvez des gens sans nom, des simples petites gens.

- Ils étaient dispensés du culte romain, Ils étaient les seuls dont la religion différente était une religion licite.

- A Rome comme dans la plupart des villes des pays méditerranéens, il y avait une communauté juive importante.

- Moins importante évidemment, et moins ancienne que celles d’Alexandrie ou d’Antioche mais enfin une communauté assez importante dont on n’a pu évaluer l’effectif à l’époque des débuts du christianisme environ 30 000 personnes.

- Et tous ces gens étaient de langue grecque pour la plupart et le latin était seulement parlé par un dixième environ de la communauté.

- Alors nous sommes ici à l’entrée de la catacombe de la via Nomentana à Rome qui est l’une des trois catacombes juives de la Rome antique.

- Ces catacombes remontent au Ier siècle après Jésus-Christ, Ce qui caractérise ces catacombes, c’est qu’elles ont une décoration bien particulière.

- Nous y voyons seulement un nombre très restreint de motifs iconographique en particulier l’armoire qui contient les rouleaux de la Torah et d’autre part de fruits ou de décors végétaux qui font allusion à des rites liturgiques

- le cédrat ou la grenade par exemple, la palme qui était utilisée lors de certains cérémonies liturgiques, Il y aussi le shofar, la corne de bélier, dans lequel on soufflait au moment du jour de l’an de l’année nouvelle.

- Le chandelier à sept branches qui est un rappel du grand chandelier à sept branches du temple de Jérusalem

- qui sera rapporté à Rome par Titus en 70 après la prise de Jérusalem par les Romains et la destruction du temple.

- (Silence)

- Si dans la diaspora, il y a une tendance à l’assimilation, en Judée au contraire, alors province romaine, l’occupation ne cesse d’exacerber le sentiment national et de nourrir des conflits et c’est pourquoi Titus est amené à raser le temple.

- Soixante ans plus tard un nouveau soulèvement conduit à l’effondrement définitif d’Israël.

- (Silence)

- Ici à Massada des Juifs se battent pour la dernière fois et préfèrent se donner la mort que de tomber aux mains des légionnaires romains.

- Les Juifs n’ont plus de terre, Ils multiplient leur communauté en Méditerranée jusqu’au moment où sous la pression d’un christianisme devenu puissant, ils en sont peu à peu rejetés.

- Ils subissent des persécutions, Ils sont désignés par des vêtements et des signes distinctifs.

- (Silence)

- Ils s’enferment dans des ghettos, ils abandonnent les langues qui sont parlées autour d’eux pour retourner à l’hébreu, Ils sont les seuls à avoir conserver la langue de leurs origines.

- (Silence)

- Comme tu as la Bar Mitzvah ans deux mois, il faut que tu apprennes la Parasha, tu comprends, C’est-à-dire à chanter.

- (Silence)

- Et c’est pourquoi ce peuple de la diaspora qui s’est répandu dans tout l’Occident n’a eu qu’une nostalgie, qu’une volonté, celle de revenir au berceau de sa création spirituelle et politique en Méditerranée.

- Il revient au nom de la voix qui a promis ces terres il y a 4000 ans à un groupe de bergers alors que dans une très large majorité, il a perdu sa foi.

- (Silence)

- Là est encore le lien ethnique, là est le sentiment d’appartenance à une même communauté, Mais remonter le cours de l’histoire ne se fait pas sans heurts.

- (Silence)

- Les Juifs pourtant la petite secte qui à l’origine de la religion dominante de la Méditerranée.

- Oui, Et les anniversaires de la vie de son fondateur ponctuent non seulement les calendriers méditerranéens mais ceux du monde occidental entier.

- (Silence)

- Naissance du Christ que les Evangiles situent à Bethléem dans ces paysages qui semblent inchangés.

- (Silence)

- Mort célébré dans ces ruelles de Corse et dans ces villes d’Espagne par des processions tragiques.

- (Silence)

- En Méditerranée plus qu’ailleurs la vie sociale demeure marquée par le rituel chrétien, Rite d’introduction à la vie, le baptême.

- (Silence)

- Sacrement du mariage aujourd’hui cérémonie sociale autant que religieuse.

- (Silence)

- Mort accompagnée de la bénédiction de l’église.

- (Silence)

- Et cette sortie de messe qui dans de nombreux villages de la Méditerranée regroupe encore la communauté.

- (Silence)

- Mais quel était ce message qui a eu une telle résonance?

- Je ne suis pas venu pour abolir la loi mais pour l’accomplir, A une loi d’obligation, le Christ substitue une loi d’amour.

- Le fils de l’homme est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.

- Que celui qui n’a jamais pêché lui jette la première pierre.

- Heureux ceux qui ont faim et qui ont soif de justice car ils seront rassasiés.

- Ils s’adressent aux pauvres, Il guérit les malades, Il dit, Je suis la source de vie, Mais il dit aussi, L’homme n’est pas fait pour le sabbat mais le sabbat pour l’homme.

- Et son message paraît subversif aux autorités juives comme il est difficile à suivre pour ses propres compagnons.

- Après un dernier repas avec ses disciples, il sera trahi par l’un d’eux et abandonné par les autres.

- Condamné par les tribunaux juifs comme blasphémateur parce qu’il s’annonce fils de Dieu, Il est remis aux Romains.

- (Silence)

- Crucifié, mort, enseveli, il semble n’être plus rien.

- (Silence)

- Mais le chant de l’Alléluia va surgir dans la nuit de Pâques, Christ est ressuscité.

- (Silence)

- Si le Christ n’est pas ressuscité, diront ses disciples, Notre prédication est veine, veine aussi est notre foi, A travers cette résurrection le salut est proposé à tous.

- (Silence)

- Et c’est ce témoignage que vont répandre ses disciples.

- Les premiers Chrétiens étaient à proprement parlé des Judéo-Chrétiens, Ils vivaient à l’intérieur de la communauté juive, Leur histoire faisait partie de l’histoire juive.

- Et c’est à la fin de la période du second temple, jusqu’à la fin du temple que la séparation réelle commence à s’opérer, Jésus n’est plus de ce monde, Ce sont ces disciples maintenant qui agissent.

- Il y a Saint-Paul qui est passé par ici, qui y resté des mois et même des années et qui a travaillé peut-être dans un autre milieu que celui de Saint-Jean.

- Il semble bien que Saint-Jean a plutôt travaillé dans un milieu juif très conservatiste, conservatif, Tandis que Paul a plutôt travaillé au milieu des Grecs.

- Au milieu des Grecs oui mais non sans difficultés, Il y a eu par exemple dans ce théâtre d’Ephèse le grand tumulte de ceux qui n’admettaient pas l’annonce d’un dieu unique, eux qui vénéraient Artémis.

- (Silence)

- C’est dans ce court laps de temps marge de temps des années 48 à 60 que s’est joué l’avenir du christianisme et l’expansion en Méditerranée.

- Paul a compris et il en a convaincu les apôtres qu’il était essentiel de libérer le message du Christ des entraves du rituel juif de toute idée nationaliste.

- Il n’y a plus de Juifs ni de Grecs, proclament-ils. Il n’y a plus circonscris, barbares, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni femmes.

- (Silence)

- Le Christ est tout en tous, Juifs iront avec la synagogue, Au-delà du Livre, il veut retrouver l’esprit.

- (Silence)

- Pendant 20 ans, il va parcourir la Méditerranée d’Asie Mineure en Grèce, Corinthe,

- de Grèce à Malte, Il met à profit les ressources que lui offrent la paix romaine et sa qualité de citoyen romain, La carte de ses voyages le prouve.

- (Silence)

- Et c’est bien parce que les premiers disciples se sont adressés à des hommes de la Méditerranée que toute la symbolique des paraboles du Christ se réfère à la vie quotidienne de la Méditerranée,

- monde des pêcheurs, Comme il marchait le long de la mer depuis Galilée, il vit deux compères, Pierre et André, en train de jeter le filet dans la mer.

- Il leur dit, venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes, Le royaume des cieux est semblable à un filet qu’on a jeté dans la mer et qui ramène des poissons de toutes sortes.

- Lorsqu’il est plein le pêcheur le retire, Et s’asseyant sur le rivage, ils choisissent les bons et ils jettent les mauvais.

- (Silence)

- Monde des bergers, Je suis le bon berger et le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis.

- (Silence)

- Si un homme a cent brebis et qu’une d’elle s’égare ne laisse-t-il pas dans la montagne les 99 autres pour aller chercher celle qui s’est égarée?

- Et s’il a le bonheur de la trouver. Je vous le dis en vérité, il a plus de joie pour elle que pour les 99 qui ne se sont pas égarées.

- (Silence)

- Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette sa semence en terre, qu’il dorme ou qu’il soit debout, la semence germe et grandit.

- Je vous ai envoyé moissonner ce qui ne vous a donné aucune peine, D’autres ont peiné et vous avez pénétré dans ce qui leur a coûté tant de peine, Et le pain devient un symbole de vie.

- Tu es béni Dieu de l’univers, Toi qui nous donne ce pain fruit de la terre et du travail des hommes, Nous te le présentons, Il deviendra le pain de la vie.

- Le royaume des cieux est comparable à du levain qui enfoui dans trois mesures de farine si bien que toute la masse lève.

- Je suis la vraie vigne et mon père est le vigneron, Tout sarment qui est en moi et qui ne produit pas de fruit, il l’enlève.

- Tu es béni Dieu de l’univers, Toi qui nous donne ce vin fruit de la vigne et du travail des hommes, Nous te le présentons, Il deviendra le vin du royaume éternel.

- (Silence)

- Cette insertion du christianisme au cœur de la paysannerie méditerranéenne nous la retrouvons aujourd’hui dans cette cérémonie populaire de l’Italie.

- (Silence)

- Chacun amène ici son cheval, son agneau, toutes ces créatures que Dieu a créées, va dire le prêtre, et qui participent au travail de l’homme sont égales devant Dieu.

- (Silence)