Contexte
Repères Méditerranéens
Un jury, composé en majorité d'Européens du Nord, vient de désigner Marseille, à l'unanimité, comme « Capitale européenne de la culture 2013 ». Marseille a été préférée à Lyon, Bordeaux et Toulouse. Cette désignation efface la déception de n'avoir pas été choisie pour l'organisation de la Coupe de l'America en 2007.
La candidature de Marseille a été préparée depuis plusieurs années par une équipe de mécènes. Elle est activement soutenue par Jacques Pfister, président de la Chambre de commerce et d'industrie depuis 2005, et président de l'association MP 2013, qui porte le projet. L'engagement des milieux économiques et la constitution d'une alliance associant à Marseille une centaine de communes, dont Aix, Arles et même un temps Toulon (qui prendra ses distances fin 2010), soit plus de 2 millions d'habitants, a pesé dans ce choix. Mais les arguments que Bernard Latarjet, directeur de la candidature, a avancés en sa faveur et qui, d'après lui, ont prévalu, c'est que Marseille avait davantage besoin de cette reconnaissance que les villes concurrentes et que son projet euroméditerranéen, orienté vers le dialogue interculturel, était le plus utile à l'Europe. Le projet est en effet organisé autour de deux axes aux fortes références littéraires et artistiques. Le premier, « Le partage des Midis », est tourné vers le monde méditerranéen, le deuxième – « La cité radieuse » - veut associer la population à l'action culturelle et contribuer ainsi à la rénovation urbaine. Les initiatives retenues seront accompagnées par les Ateliers de l'EuroMéditerranée dispersés dans les quartiers et les entreprises afin de rapprocher création artistique et population. Ce schéma a été conçu pour séduire un jury qui n'oubliait pas que le concept de « capitales européennes de la culture » avait été créé en 1985 par la Commission européenne, à l'initiative de Mélina Mercouri, ministre grecque de la Culture, afin de promouvoir l'idée et l'identité européennes. Il correspondait aux attentes d'une politique européenne qui, depuis un peu plus de dix ans, faisait de la Méditerranée l'une de ses priorités, ce que l'Union pour la Méditerranée venait d'illustrer. Il correspondait aussi à la nouvelle « image » culturelle et positivement cosmopolite que Marseille avait réussi à se donner avec non seulement ses équipements-phares (le Théâtre national de la Criée, le Ballet national de Marseille, etc.), mais aussi avec des initiatives originales et largement médiatisées, comme la Fiesta des Suds, Marsatac, la Friche Belle-de-Mai, la Cité des arts de la rue, etc. Le label convoité de « capitale européenne de la culture » devait permettre de doter la grande opération économique et urbaine du quartier Euroméditerranée d'une dimension culturelle supplémentaire. Le budget de l'opération, près de 100 millions d'euros, était l'un des plus importants consacrés à une initiative de ce type, qui, il est vrai, était fédératrice sur le plan régional.
Avant Marseille, 46 villes, de taille diverse, ont bénéficié de ce label. La première a été Athènes. Paris a été choisie en 1989. On ne souvient plus guère qu'Avignon a été l'une d'elles en 2000, mais elle était quelque peu noyée dans une fournée inédite de 9 villes. Avant cette date, le choix du jury portait sur une seule ville, et, après 2000, généralement sur deux. Pour 2013, la ville slovaque de Kosice a été retenue en même temps que Marseille.
En dépit d'une mise en place difficile et aux tensions qui ont pu naître entre villes et entre porteurs d'initiatives, le projet est aujourd'hui entré dans sa phase finale. Les grands axes en ont été précisés au début 2011 par Bernard Latarjet et un pré-programme a été présenté en janvier 2012 par son successeur en tant que directeur général, Jean-François Chougnet. Il est impressionnant : 500 projets labellisés, 80 expositions dans la région, 70 Ateliers de l'EuroMéditerranée, des festivals qui, pour certains, donneront lieu à des manifestations pérennes, de nouveaux musées ou des musées rénovés. L'année 2013 sera organisée en un grand « récit » se déroulant de saison en saison, débutant par « Marseille accueille le monde » (hiver), « La cité radieuse » (printemps), « L'art prend l'air » (été) et « Révélations » (automne). Parmi les opérations marquantes en 2013, émergent l'exposition « Le grand atelier du Midi » présentant aux musées des Beaux-Arts du Palais Longchamp à Marseille et au musée Granet à Aix, tous deux rénovés, 240 œuvres « méditerranéennes » des peintres les plus connus, une création spectaculaire – « Transhumance » – qui fera converger vers Marseille depuis la plaine de la Crau une caravane d'hommes et d'animaux, un nouveau sentier de grande randonnée, le GR 2013 qui parcourra les Bouches-du-Rhône, l'inauguration du Centre régional de la Méditerranée, un festival InterMéd présentant les
œuvres issues des ateliers, un festival des arts de la rue. L'année 2013 verra enfin l'ouverture du Mucem – le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée - bâti sur l'ancien môle portuaire J4 par l'architecte Rudy Ricciotti. Cette réalisation était attendue depuis plus de dix ans, après la fermeture du Musée des arts et traditions populaires à Paris et la décision de « décentraliser » l'institution qui devait prendre son relais.
Il n'y a pas si longtemps le fait de d'attribuer à Marseille une position culturelle majeure aurait surpris. Sa réputation était toute autre et, vue de l'extérieur, peu attractive. Même s'il en reste un peu plus que des traces, l'attribution du label « Capitale européenne de la culture » à Marseille vient confirmer que son image a bien changé.
Bibliographie
Association Marseille-Provence 2013, Marseille Provence 2013, dossier de candidature, 2007, 272 p.
Association Marseille-Provence 2013, Capitale européenne de la culture, brochure de présentation multilingue, réactualisée régulièrement.
Boris Grésillon, Un enjeu « capitale », Marseille-Provence 2013, La Tour d'Aigues, l'aube, 2011, 172 p.