Naghib Mahfouz et le marché de Khan el-Khalili |
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Titre de la collection
Stella del Sud : il piacere di viaggiare
Date de première diffusion
25/01/2009
Résumé
" Stella del Sud" et Chiara Perino nous invitent à la découverte du marché de Khan el-Khalili, au Caire.
Le grand écrivain égyptien Naguib Mahfouz avait l'habitude de trouver l'inspiration dans le célèbre café du marché.
Nous découvrons les vues intérieures et extérieures de l'école de musique, la mosquée El Azhar et l'Allée du Mortier.
Des artisans travaillent. Interview avec Ahmed Adel;
Chaîne de première diffusion
RAI - RAI Uno
Forme audiovisuelle
Documentaire
Thème principal
Arts, cultures et savoirs
Générique
- Perino Chiara - Journaliste
- - Participant
Lieux
- Egypte - Basse Egypte - Le Caire
Contexte
Naghib Mahfuz et le marché de Khan al-Khalili
Richard Jacquemond
Le Khan al-Khalili désigne à l’origine un caravansérail (khan), c’est-à-dire un corps de bâtiment comprenant des boutiques, des entrepôts commerciaux et des pièces d’habitation. Le Khan al-Khalili tirerait son nom du notable palestinien, originaire d’Hébron (al-Khalil en arabe), qui le fit construire à la fin du XIVe siècle. Par métonymie, il désigna ensuite le quartier environnant, puis tout le secteur occupé par le souk ou bazar, marché de moins en moins traditionnel et de plus en plus touristique, situé entre l’avenue d’El-Azhar au Sud, la rue El-Mu’izz à l’Est et la mosquée El-Hussein à l’Ouest. On est ici dans la vieille ville du Caire, en arabe al-Qahira, « la victorieuse », fondée par les conquérants fatimides de l’Egypte en 969. Quelques années plus tard, ils construisent la mosquée-université d’El-Azhar : présentée dans l’archive comme « la plus vieille université du monde encore en activité », elle fut des siècles durant un centre intellectuel majeur de l’islam sunnite.
A quelques rues de là, le quartier voisin de Gammaliyya a vu naître en 1911 Naguib Mahfouz, l’écrivain égyptien et arabe le plus célèbre dans le monde (prix Nobel de littérature 1988, voir contexte de l’archive « Naguib Mahfouz » - ERU00276). Au début du XXe siècle, la vieille ville du Caire est encore habitée par toutes les couches de la population, des grands négociants aux petits artisans et ouvriers en passant par les fonctionnaires (comme le père de Mahfouz), mais déjà les classes moyennes la quittent pour les espaces plus aérés de la périphérie (Abbasiya, Héliopolis, etc.), et la famille de Mahfouz suit ce mouvement dans les années 1920. Mais l’écrivain restera attaché au quartier de son enfance, qu’il ne cessera de fréquenter et où il situera l’action de ses grands romans réalistes des années 1940 et 1950 – dont une bonne partie porte d’ailleurs des titres qui sont autant de toponymes réels, y compris un Khan al-Khalili (1946, traduit en français sous le titre Le cortège des vivants), élaborant au fil de son œuvre un mythe du Caire aussi puissant que le mythe de Londres issu de Dickens ou celui de Paris issu de Balzac, Hugo ou Eugène Sue (voir contexte de l’archive « La ruelle de Naguib Mahfouz » - ERU00359).
L’archive donne la mesure de ce mythe : elle situe « l’impasse du Mortier », titre d’un des romans de cette période (Zuqaq al-midaqq, 1947 ; trad. française Passage des miracles, 1970), à proximité de ce qui est présenté comme « le café de Naguib Mahfouz », tandis que les images mêlent, autour d’une photo de Mahfouz lisant son journal au café Ali Baba (situé en fait à deux kilomètres de là, tout près de la désormais célèbre place Tahrir), des prises de vues du café Fishawi (une véritable institution, que fréquentait de fait l’écrivain quand il passait dans le quartier) et d’autres du Café Naguib Mahfouz, un luxueux établissement ouvert dans les années 1990 et destiné à offrir aux touristes, au cœur du Khan al-Khalili, un accueil conforme aux standards – et aux tarifs – européens. La récente requalification de la rue El-Mu’izz, poumon du quartier (qui n’est autre que la rue Bayn al-Qasrayn qui donne son titre au premier tome de la Trilogie de Mahfouz) va dans le même sens d’une aseptisation conforme aux exigences des tour-operators. Mais il suffit de s’engouffrer dans une impasse latérale pour se retrouver dans le vrai Caire, celui de Mahfouz…
Bibliographie :
Naguib Mahfouz, Passage des miracles, trad. Antoine Cottin, Arles, Actes Sud (Babel), 2007 Naguib Mahfouz, La Trilogie : Impasse des deux palais, Le palais du désir, Le jardin du passé, trad. Philippe Vigreux, Paris, Le Livre de Poche (Pochothèque), 1993
Naguib Mahfouz, Le cortège des vivants, trad. Fayza et Gilles Ladkany, Arles, Actes Sud (Babel), 2010