Contexte
« Une question de crayon » (Interview de l’architecte Renzo Piano)
Jean-Lucien Bonillo
La posture de l’architecte Renzo Piano (né en 1937 à Gênes) s’inscrit dans la grande tradition d’une modernité héroïque, inventive, humaniste et soucieuse d’être en phase avec les évolutions de la société. C’est pourquoi le défi du XXIe siècle lui semble être la prise en compte de la « fragilité de la terre ».
Depuis ses premiers chantiers du milieu des années 60 à nos jours, les édifices de Piano n’ont cessé de nous surprendre par leur nouveauté. Loin de s’en tenir à un seul type d’écriture, une griffe, l’œuvre de l’architecte se caractérise doublement : par la manière dont elle se nourrit des situations diverses de projet d’une part, et par la mise en œuvre constante d’une démarche qui allie avec opiniâtreté méthode et sensibilité.
Dans l’interview filmée Renzo Piano développe sans l’annoncer explicitement trois thèmes qui sont au cœur de sa posture de maître d’œuvre : l’invention, l’urbanité et le sensible (l’invenzione, la citta, la poesia). Ce sont les trois volets qu’il avait retenu pour structurer l’exposition de son œuvre en 2000, successivement au centre Pompidou à Paris (un de ses plus remarquables bâtiments conçu avec Richard Rogers et Peter Rice, 1977) et à la Neue Nationalgalerie de Berlin.
- L’invention renvoie chez lui à l’imaginaire technique : cela concerne un alphabet des structures continûment renouvelé mais aussi les matériaux, composants divers du bâtiment et les dispositifs climatiques et spatiaux. Selon Piano la maîtrise de la construction reste la pierre de touche du métier d’architecte. En témoignent ses six premières années d’exercice sans projet opérationnel, exclusivement consacrées à des recherches sur les structures et les matériaux.
- L’urbanité est un vocable au fond peu adapté. Il faudrait plutôt évoquer son attention apportée aux lieux de projet, son souci du « génie du lieu » (Christian Norberg-Schultz). La mise en valeur des spécificités morphologiques, paysagères, historiques, identitaires… ne passe pas chez lui par une démarche mimétique et nostalgique. Les voies qu’il emprunte sont plutôt celles de l’analogie.
- La sensibilité se traduit dans des œuvres qui témoignent d’un soin particulier apporté aux ambiances et aux détails, surfaces, textures et assemblages. Les dispositifs de captation, transformation et transmission de la lumière sont une de ses plus constantes préoccupations. Au total les qualités spatiales de ses édifices sont la fluidité, la transparence, la légèreté et l’instauration d’un dialogue complice avec la nature ou avec l’atmosphère d’une ville.
On retrouve dans le projet en cours présenté ici de tour la plus haute de Londres (The shard and London bridge place), la synthèse de toutes ces préoccupations. Conçue avec un noyau en béton armé, une charpente en acier et une enveloppe de verre, la tour s’érige au cœur de Londres sur 87 étages et 310 mètres de haut. L’architecte la définit comme une ville verticale au cœur de la cité. Sur un pôle d’échanges multimodal elle associe bureaux, hôtels et logements. Une conception ad’hoc réduit la consommation d’énergie primaire de 30% et le verre a été spécialement étudié pour offrir une transparence inédite.
Bibliographie succincte et indicative
- Piano R., Chantier ouvert au public, Paris, ed. Arthaud, 1985.
- Bordaz R., Entretiens avec Renzo Piano, Paris, ed. Cercle d’Art, 1997.
- Coll. Catalogue d’exposition, Renzo Piano, un regard construit, Paris, ed. Centre Georges Pompidou, 2000.
- Piano R., Che cos’è l’architettura ?, Rome, ed. Luca Sossella, 2007 (livre et DVD).
- Piano R., On tour with Renzo Piano, Londres / Paris, ed. Phaïdon, 2010.