Entretien avec Giulio Andreotti (1ere partie) |
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Titre de la collection
Big - La via del cuore, la via della ragione
Date de première diffusion
27/06/2009
Résumé
Passage de l'entrevue avec le sénateur à vie et ancien président du Conseil des Ministres Giulio Andreotti, qui revient sur les étapes essentielles de sa vie en tant que politicien, mari et père.
Entretiens avec le journaliste Massimo Franco, qui souligne la discrétion de la famille Andreotti et avec l'ancien président de la République italienne Francesco Cossiga, qui se souvient de son sens aigu de l'humour.
Chaîne de première diffusion
RAI - RAI Tre
Forme audiovisuelle
Entretien
Personnalités
- Andreotti Giulio
- Cossiga Francesco
Thème principal
Enjeux historiques contemporains XIXe-XXIe s.
Générique
- Bruchi Annalisa - Journaliste
- Tortora Silvia - Journaliste
- Andreotti Giulio - Participant
- Cossiga Francesco - Participant
- Franco Massimo - Participant
Contexte
Entretien avec Giulio Andreotti
Stéphane Mourlane
Giulio Andreotti symbolise autant l’hégémonie catholique dans l’exercice du pouvoir que les turpitudes qui l’ont accompagné en Italie au cours de la trentaine d’année après la Seconde Guerre mondiale. Né à Rome, le 14 janvier 1919, il s’engage dès ses études de droit au sein de la Fédération universitaire catholique, l’une des rares associations de jeunesse qui échappe à l’emprise totalitaire du régime fasciste. Au cours de la guerre, il participe à l’œuvre de structuration de la Démocratie chrétienne dans la perspective d’une restauration démocratique, une fois Mussolini déchu. Naturellement, il siège à l’Assemblée constituante en 1946 puis est élu à la chambre des députés en 1948 ; il le sera ensuite sans discontinué jusqu’en 1991 avant d’être nommé sénateur à vie. Cet homme de foi s’attire dès le début de son engagement les faveurs du Vatican, dont l’influence lui vaut d’être nommé, dans les premiers gouvernements De Gasperi, sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil. Au cours de sa longue et riche carrière ministérielle, il maintient ce rapport privilégié avec les souverains pontifes, ce qui, au regard des critiques, engagerait son indépendance. Cette proximité avec le Vatican a assurément favorisé la carrière de Giulio Andreotti tant au sein du parti démocrate chrétien que dans les arcanes du pouvoir. S’il n’a jamais exercé la direction du parti, il n’en est pas moins l’une des figures incontournables, jouant avec habileté de la « courantocratie » qui y règne ; les courants qu’il anime sont le plus souvent situés sur l’aile droite du parti, notamment lorsqu’il s’agit, dans les années 1950-1960, de contrebalancer l’ouverture à gauche défendue et mise en œuvre par Amintore Fanfani et Aldo Moro. Au niveau gouvernemental, Andreotti détient successivement et alternativement les principaux portefeuilles ministériels : l’Intérieur, à seulement 34 ans, la Défense à huit reprises, les Affaires étrangères à cinq reprises ou encore deux fois les Finances. Il prend en outre la tête du gouvernement à sept reprises (1972-1973, 1976-1979 et 1989-1992). Il est difficile de dégager une ligne directrice idéologique ou politique dans ce parcours où les contradictions ne manquent pas. Ainsi, celui qui s’est opposé à l’ouverture à gauche et affiche un anticommunisme farouche, assure la direction d’un gouvernement bénéficiant du « compromis historique » entre démocrates-chrétiens et communistes au milieu des années 1970. En matière de politique étrangère, Andreotti, qui est fidèlement attaché à l’Alliance atlantique, n’en est pas moins le promoteur d’une politique philo-arabe qui conduit l’Italie à affirmer une plus grande autonomie à l’égard de ses alliés occidentaux.
La longévité de la carrière de Giulio Andreotti est d’autant plus remarquable qu’elle est fortement imprégnée de l’odeur du scandale. Il est demandé 27 fois la levée de son immunité parlementaire. Dans les différentes affaires qui le mettent en cause se mêlent, parfois dans un même faisceau, corruption, goût de l’action secrète et fréquentations mafieuses. Dès les années 1950, alors qu’il occupe le ministère des Finances, il est ainsi inquiété par une enquête concernant la banque frauduleuse Giuffrè. Par la suite, au ministère de la Défense, il est impliqué dans l’important scandale des dossiers montés par le
SIFAR (
Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare) sur les dirigeants du pays et du
Piano Solo, un projet de coup d’Etat planifié par le directeur de la police militaire, le néo-fasciste Giovanni De Lorenzo, en cas d’arrivée au pouvoir des communistes. Son attitude empreinte de passivité lors de l’enlèvement menant à l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges est l’objet de bien des interrogations sur d’éventuelles compromissions. Le nom d’Andreotti est souvent associé à la loge P2 (
Propaganda due), une organisation secrète radiée du Grand Orient d’Italie en 1976 soupçonnée d’avoir participé aux côtés de groupuscule d’extrême droite à la « stratégie de la tension » qui, avec le terrorisme d’extrême-gauche, a plongé l’Italie dans la violence au cours des années de plomb (années 1960-1980). La loge P2 est également impliquée dans des affaires criminelles en relation avec la mafia. L’ombre de la mafia plane aussi sur la carrière d’Andreotti. À la fin des années 1980, alors qu’il brigue la présidence de la République, Andreotti est accusé par des repentis d’avoir noué des liens étroits avec la mafia au point d’en être considéré comme un protecteur. Il est même soupçonné d’avoir joué un rôle en sous-main dans l’assassinat d’un journaliste, Mino Pecorelli en 1979 et du général des carabiniers Alberto Dalla Chiesa en 1982. Ces accusations lui valent d’être déféré devant la justice au moment où la classe politique dirigeante doit faire face quasiment dans son ensemble aux juges dans le cadre de l’opération « mains propres » (
mani pulite). Andreotti se retrouve donc sur le banc des accusés en 1996 à Pérouse et à Palerme. Sa défense habile et l’absence de preuves tangibles conduisent cependant à l’acquittement. En 2004, la cour de cassation met un terme définitif aux démêlés judiciaires de l'ancien président du conseil, en confirmant un verdict controversé rendu en 2003 par la cour d'appel, l'innocentant partiellement de l'accusation de complicité envers les parrains de
Cosa Nostra et d’association mafieuse. En dépit des dénégations – « Guerres puniques mises à part, on m’a accusé au cours de ma vie de tout ce qui s’est passé en Italie » déclare-t-il selon un sens de la rhétorique bien affuté- bien des zones d’ombre subsistent dans la vie de celui qu’on surnomme volontiers « le Divin » (
Il Divo) et que rien ne semble ébranler.
Bibliographie :
Giorgio Galli, Mezzo secolo di DC 1943-1993. Da De Gasperi a Mario Segni, Milano, Rizzoli, 1993.
Massimo Franco,
Andreotti. La vita di un uomo politico, la storia di un'epoca, Milano,
Mondadori,
2008 Nicola Tranfaglia,
La sentenza Andreotti. Politica, mafia e giustizia nell'Italia contemporanea, Milano,
Garzanti,
2001