Penser le port en Méditerranée

Introduction

 

     Evoquer la Méditerranée invite irrésistiblement à partir à la rencontre de ses ports. Dresser un tableau d’ensemble de ceux-ci paraît un exercice banal et ordinaire. Pourtant, si nous disposons de solides monographies au sujet de nombre d’entre eux ou d’analyses globales de l’espace maritime, nous n’avons aucune synthèse à notre disposition les concernant nous permettant de penser le port en Méditerranée. Cette absence marque-t-elle le caractère périlleux d’une entreprise ambitieuse qui exige que soient combinées des approches sociales, démographiques, politiques, économiques, culturelles et urbaines ? Sans prétendre relever totalement ce défi, nous pouvons débusquer les éléments qui invitent à penser le port, en privilégiant un moment de l’histoire de la Méditerranée – moment minuscule certes à l’échelle de cette histoire – mais qui peut témoigner sur le tout à condition d’être correctement perçu. Ainsi en est-il de ce moment où, à la fin du XVIIIe siècle et au début du siècle suivant, l’Europe prend le contrôle de la Méditerranée et où les ports représentent l’unité visible de cet espace.
     Cependant, unité ne saurait être confondue avec uniformité. Si la civilisation méditerranéenne est d’abord une affaire de villes, et souvent de villes portuaires, peut-il être question de modèle portuaire, de spécificité méditerranéenne ? L’hétérogénéité et la complexité fournissent assurément les indispensables clés de lecture. Au risque de nous livrer à une fastidieuse et stérile énumération, nous pourrions décliner simplement cette diversité selon différents registres. Atteindrions-nous ainsi la réalité portuaire méditerranéenne ?
     Si un tableau général, sans doute imprudent et sûrement incomplet, appelle de nécessaires comparaisons, il ne saurait être un catalogue, moins encore un palmarès. Ne prétendant pas à l’exhaustivité, ce panorama laisse inévitablement dans l’ombre, et dans l’oubli, de nombreux ports. Sa seule ambition est de décrypter ce qu’est un port en Méditerranée – à la fin du xviiie siècle, mais en-deçà et au-delà de ce moment –, de débusquer, en dehors de l’hétérogénéité affirmée, les possibles dénominateurs communs. Là se situe le point central de la présente réflexion.
     Pour ce faire, il convient d’entrée de jeu de dégager la variété des organisations et le poids des structures ; naturellement, la part du milieu et le rôle des hommes laissent place à la navigation et aux activités maritimes sans lesquelles les ports n’auraient pas d’existence.
     Les dynamiques de ces lieux, interfaces par excellence entre la terre et la mer – voire le ciel quand on songe à la place occupée par les risques et les protections célestes recherchées pour s’en prémunir – renforcent la diversité de l’ensemble méditerranéen. L’étendue et la composition des espaces mis en jeu par les ports afin de répondre aux exigences de leur fonctionnement et aux stratégies entrepreneuriales traduisent, dans une large mesure, la force de leur rayonnement. Sans prétendre à l’exemplarité, Marseille constitue un observatoire de premier plan pour déterminer les composantes d’une aire commerciale portuaire. Le décryptage des principales articulations de ses espaces emboîtés nécessite des lectures selon différentes focales qui nous entraînent parfois au-delà des limites du bassin méditerranéen.
     Cependant, les mutations enregistrées dès la fin du xviiie siècle modifient en profondeur cette construction générale. Ne soulignent-elles pas la fragilité de l’état des lieux que nous avons tenté d’esquisser ? N’invitent-elles pas à prendre la mesure de la faiblesse sinon de la vanité de pareille tentative ? Les reclassements et la redistribution des rôles que l’on entrevoit au début du xixe siècle bouleversent le tableau patiemment constitué. Parallèlement, plusieurs indices conduisent à percevoir l’émergence d’une autre Méditerranée portuaire, la mise en place d’un autre système.
 

Introduction

I- Diversité et pesanteur des s...

II- Dynamiques et rayonnement p...

III- Reclassement : vers une no...

Conclusion

Orientation bibliographique

Résumé

Evoquer la Méditerranée invite irrésistiblement à partir à la rencontre de ses ports. Dresser un tableau d’ensemble de ceux-ci paraît un exercice banal et ordinaire. Pourtant, si nous disposons de solides monographies au sujet de nombre d’entre eux ou d’analyses globales de l’espace maritime, nous n’avons aucune synthèse à notre disposition les concernant nous permettant de penser le port en Méditerranée. Cette absence marque-t-elle le caractère périlleux d’une entreprise ambitieuse qui exige que soient combinées des approches sociales, démographiques, politiques, économiques, culturelles et urbaines ? ...

Auteur

Buti Gilbert
Professeur des universités en histoire moderne, Université d'Aix-Marseille, TELEMME, MMSH.