Mohamed Choukri |
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Titre de la collection
Namadij
Date de première diffusion
27/07/2001
Résumé
Entretien avec l’écrivain marocain arabophone Mohamed Choukri (1935-2003). Auteur du fameux livre « Le Pain nu », publié en 1973, Mohamed Choukri a vécu à Tanger. Une ville qui occupe une grande place dans ses écrits.
Chaîne de première diffusion
2M - 2M
Forme audiovisuelle
Magazine
Thème principal
Langues et littératures
Thème secondaire
- Tourisme et sites culturels
Générique
- Talbi Abdellatif - Réalisateur
- Latifi Maria - Journaliste
Contexte
Mohamed Choukri
Richard Jacquemond
Alors que le Maroc est sous protectorat français (et espagnol pour sa frange côtière septentrionale), Tanger bénéficie, de 1925 à 1956 (avec une parenthèse de 1940 à 1945), d’un « statut international ». Cette période de l’histoire de la ville est souvent présentée comme celle de son âge d’or et de son rayonnement international, dans une ambiance de cohabitation cosmopolite, d’autant que la ville attire alors de nombreux écrivains et artistes européens et américains (mais aussi toute une pègre liée à l’économie de la contrebande et de la drogue). Cette représentation a été nourrie par l’abandon dans lequel le roi Hassan II maintint le Nord du Maroc durant tout son règne (1961-1999), en représailles contre la révolte du Rif (1959-61). Les choses changent avec l’arrivée au pouvoir de son fils Mohammed VI en 1999. Les premières années de son règne sont marquées à la fois par une libéralisation politique et par une volonté nouvelle d’arrimer le Nord au reste du pays, qui se traduit par une série de grands projets de développement.
Le nom de l’écrivain Mohamed Choukri (1935-2003) est associé à Tanger, où il a vécu le plus clair de sa vie et qui sert de cadre à presque tous ses écrits. Dans son œuvre la plus connue, Le pain nu, il raconte dans une langue crue et dépouillée son enfance et son adolescence misérables dans une ville dont, dans sa condition d’opprimé, il ignore qu’elle vit alors son « âge d’or ». De cette époque noire, il se souvient pourtant de quelques moments heureux, « volés », dit-il. La vraie vie pour lui commence avec l’indépendance du Maroc en 1956 : c’est alors que, à l’âge de 21 ans il apprend à lire et à écrire, avant d’aller étudier à l’école normale de Larache, pour revenir ensuite à Tanger « enseigner aux opprimés comme [lui] ». Le pain nu, écrit en 1970-71, est aussitôt traduit en anglais par Paul Bowles (1973), l’écrivain américain qui vit à Tanger et dont Choukri est alors proche. Il sera traduit ensuite en français par l’écrivain marocain de langue française Tahar Ben Jelloun, un autre enfant de Tanger, en 1979, mais quand Mohamed Choukri fait imprimer l’original arabe au Maroc, à compte d’auteur, il est aussitôt censuré. Il le publiera à Londres et la censure marocaine ne sera levée qu’en 2000. Choukri est alors au soir de sa vie, écrivain internationalement reconnu et une figure incontournable de la vie culturelle tangéroise.
Ainsi, cette archive de la chaine marocaine publique M2, tournée en 2001, n’aurait pu être produite ni avant, ni après. Il a fallu le changement de règne en 1999 pour que Choukri devienne persona grata à la télévision marocaine, et sans doute aussi pour qu’on puisse y présenter Tanger de cette manière. Et le créneau temporel était court, puisque l’écrivain devait décéder deux ans plus tard. Les malentendus ne sont pas pour autant tous levés : on sent un certain hiatus entre le discours sans concession de Choukri d’une part, et, de l’autre, les images léchées et le commentaire mi-journalistique, mi-académique qui les accompagne, sans oser faire entendre la voix propre, c’est-à-dire le texte littéraire, de Mohamed Choukri.
Bibliographie
Mohamed Choukri, Le pain nu, trad. Tahar Ben Jelloun, Paris, Seuil (Points), 1997 ; Jean Genet et Tennessee Williams à Tanger, Paris, Quai Voltaire, 1992
Michel Peraldi, « Economies criminelles et mondes d’affaire à Tanger », Cultures & conflits, 68, hiver 2007. URL : http://conflits.revues.org/index5973.html