- (Silence)

- Passons à l’expansion de l’Islam.

- Alors quand on regarde l’expansion de l’Islam, vous voyez que c’est tout à fait différent.

- Nous avons les villes saintes qui sont au bord de la mer Rouge ou presque, Nous sommes donc en dehors de la Méditerranée.

- C’est vrai et c’est indiscutable qu’une partie est devenue musulmane et il y a une grande partie de l’Islam qui est marginalisée, surtout son foyer.

- De la même façon que Jérusalem et Alexandrie étaient aussi en marge.

- Donc ça c’est des points sur lesquels je voudrais attirer votre attention.

- Donc nous avons une seconde carte de l’expansion de l’Islam où l’on voit que ça va très loin là-bas et en Andalousie, elle est plus précise que la précédente de ce point de vue.

- Et donc tous ces points-là montrent à chaque fois qu’il y a un débordement de ce qu’on appelle la Méditerranée

- et un débordement des trois grands monothéismes au-delà de la frontière étroite d’une Méditerranée réduite à son bassin occidental et oriental.

- Donc après Dioclétien et surtout après Théodose, l’Empire romain a été divisé en deux parties, Je vais vous montrer aussi une contradiction au sein de l’Empire romain.

- Et dans cet Empire romain il y a eu Justinien qui a essayé de ramener le reste de l’Empire à partir de la partie orientale.

- J’ai trouvé une carte en arabe, J’ai pensé que c’était bien de la montrer.

- Et vous voyez très bien à ce moment que l’empire de Justinien est en bonne partie sur quoi, Sur le Pont-Euxin sur la mer Noire.

- Et l’Egypte une fois de plus a un petit morceau qui se trouve sur la mer Rouge.

- Donc j’ai essayé de prendre même l’Empire romain qui se veut un empire uniquement méditerranéen au sens de la Méditerranée occidentale et orientale et on voit là un double débordement.

- Ca c’est aussi l’Empire de Justinien, il y a la première partie qui était orientale et qui a reconquis une partie de l’Occident, c’est-à-dire l’Italie, l’Afrique du nord.

- On voit très bien que c’est la partie orientale qui a conquis la partie occidentale.

- (Silence)

- Alors on voit là l’Empire des Macédoniens.

- Donc quand l’Empire byzantin s’est réduit énormément, il s’est retrouvé là avec ce qu’on appelle aujourd’hui la Turquie et puis de l’autre côté la Grèce, les Balkans et le sud de l’Italie.

- Donc cet Empire des Macédoniens, qui était pourtant un grand Empire, est centré sur deux mers qui sont ici en bas la Méditerranée orientale et en haut la mer Noire.

- Vous voyez qu’il y a un glissement complet en dehors de la Méditerranée telle que nous l’entendons.

- Alors nous pouvons continuer maintenant pour faire le parallèle avec les centres religieux.

- (Silence)

- Ici nous avons Constantinople qui est situé à la limite de la Mer noire et de la mer de Marmara, Donc Constantinople…

- (Silence)

- Ici vous avez Constantinople, Vous voyez très bien qu’elle n’est pas en Méditerranée au sens propre, qu’elle est à cheval sur la mer Noire et la mer Méditerranée orientale.

- Alors ce qui est intéressant ici, c’est de voir que Constantinople était à l’époque un centre religieux, Donc le centre religieux n’était pas en Méditerranée.

- Je continue à la même époque et on voit ici les Fatimides en bas et on voit les Abbassides là-bas.

- Les Fatimides, je vais vous les montrer, c’est en Egypte, Donc les Fatimides constituent un centre religieux qui est disons au bord du Nil et qui est donc à la limite, Voilà les Fatimides.

- Vous voyez que les Fatimides à partir du Caire se trouvent en marge de la Méditerranée, Et les Abbassides, à Bagdad, qui n’est évidemment pas en Méditerranée.

- Nous avons donc trois centres religieux qui sont Bagdad, Caire, et Constantinople.

- Ces trois cités sont des centres religieux parce qu’il y a al-Da’wa al-Fatimiya, il y a le califat abbasside et il y a évidemment Constantinople et tous les trois sont en marge de la Méditerranée au sens habituel.

- Je passe maintenant au Judaïsme qui est généralement moins connu et je vois qu’autour de Bagdad se trouve Pumdebitha, Nahardea et Sura aux endroits que je vous montre à côté de Bagdad.

- Et dans ces endroits-là se trouvait le siège du pouvoir juif avec le fameux Gaone.

- Donc bon avec ce rapide survol et les incohérences observées naît la certitude qu’il est nécessaire de redéfinir des notions communément admises.

- Cette redéfinition n’est pas un acte purement intellectuel.

- Elle permet d’éviter les perceptions erronées qui faussent l’analyse, comme on l’a vu, et la compréhension des réalités.

- Une carte ordinaire de la Méditerranée, là c’est la carte que vous trouvez n’importe où, vous voyez qu’elle comporte en bas à droite la Mer rouge, En haut, la mer Noire.

- Donc encore une fois on voit ce débordement.

- Je passe maintenant au troisième point, l’élargissement des concepts.

- Plutôt que de nous limiter à la vision étroite d’une Méditerranée confinée dans deux bassins, interrogeons la géographie et la géologie.

- Elles sont éloquentes et répondent beaucoup mieux aux réalités de l’Histoire qu’aux préjugés communément véhiculés.

- Elles nous apprennent que la Méditerranée au sens étroit n’est qu’une partie d’un vaste ensemble qui sépare l’Afrique et l’Eurasie et les met en communication, Vous voyez ?

- Là vous voyez très bien l’Eurasie qui est au nord, vous avez l’Afrique qui est au sud et vous avez une mer qui est constituée de quatre bassins

- qui sont la mer Noire, la Méditerranée occidentale, la Méditerranée orientale et la mer Rouge.

- Et en conséquence ce concept de Méditerranée doit être étendu à mon avis aux quatre bassins formés par ces quatre parties.

- Voilà, si nous regardons de plus près nous voyons ça.

- Ce bloc-là, historiquement, a toujours été lié et au point de vue religieux ils avaient de fortes relations.

- De sorte que nous arrivons à la conclusion suivante.

- Premièrement, les quatre bassins de cette mer se rejoignent deux à deux dans des détroits ou bien dans des isthmes étroits, Vous avez vu qu’à chaque fois il y a un pincement.

- Les trois isthmes constituent des lieux de passages privilégiés d’un continent à l’autre et d’une mer à l’autre.

- Ils sont donc d’une importance commerciale et stratégique essentielle.

- De ce fait, ils sont historiquement constitués des foyers d’empires et des centres de diffusion religieux.

- Leur possession a engendré des guerres, Et le passage d’une puissance à l’autre a modifié l’équilibre des continents.

- Et enfin aucune puissance jusqu’ici n’est parvenue à contrôler simultanément les quatre bassins.

- Je vais vous l’illustrer par quelques exemples historiques et je finirai sur ça.

- Donc ça c’est le premier endroit où se rencontre le premier détroit, le détroit de Sicile autour duquel s’est bâti l’Empire romain et où aurait pu se bâtir l’Empire carthaginois.

- Le deuxième point…

- (Silence)

- Ca c’est un premier exemple que l’on peut donner, celui de la première lutte qui a eu lieu entre Rome et Carthage pour le contrôle de la Méditerranée.

- La bataille s’est passée essentiellement au centre…

- (Silence)

- On voit très bien ici que Carthage et Rome se sont battues autour de la Sicile pour le contrôle de la Méditerranée.

- Que ce soit l’une ou l’autre on aurait eu un empire de cette forme classique de la Méditerranée.

- Toujours dans cette même perspective nous arrivons à la plus grande extension de l’Empire romain, C’est celle-là.

- Vous voyez que c’était vraiment quelque chose de colossale, centré sur la Méditerranée classique mais quand même avec un débordement très net sur la mer Noire.

- Et dans le sud il y a une chose dont on parle très peu, c’est qu’en 24 avant Jésus-Christ Aelius Gallus, qui était un général d’Auguste, est arrivé jusqu’au Yémen.

- Il a assiégé Mareb, c’est-à-dire la ville de Saba, Il n’a pas réussi, il est revenu par le port de Leukokome.

- Donc c’est un fait que les Romains ambitionnaient de conquérir aussi la mer rouge tout en ayant de fortes positions dans la mer Noire.

- Par la suite, je résume, l’Empire romain a essayé de s’arranger avec Aksoum, c’est-à-dire avec l’Ethiopie pour qu’ils se partagent le contrôle de la mer Rouge.

- Après cet Empire romain à son apogée, l’Empire byzantin s’est replié comme vous voyez sur ces deux bassins qui sont la mer Noire et la Méditerranée occidentale.

- Ce qui est frappant par rapport à l’ancienne carte que je vous ai montré tout à l’heure, c’est ça, Vous avez ici un pouvoir seldjoukide.

- C’est-à-dire que quand ils ont été obligés d’accepter les Turcs, ils les ont laissé entrer à l’intérieur mais ils ont gardé toute la bordure de la mer,

- parce que c’était fondamental pour contrôler toute l’économie, Ils tenaient à garder surtout les bords de mer…

- donc ils ont fait ce compromis avec les Turcs seldjoukides, qui n’avaient pas le choix bien sûr.

- L’empire Ottoman qui est le successeur naturel de l’Empire byzantin a essayé à maints égards, si vous vous souvenez encore de la carte de l’Empire de Justinien, a essayé de reconstituer en grande partie l’Empire de Justinien.

- Ils ont contrôlé la mer Noire, Ils ont largement contrôlé la mer Rouge mais n’ont pas pu contrôler le bassin occidental, Comme je vous l’ai dit, personne n’a contrôlé les quatre bassins.

- Je passe maintenant à un second type d’empire.

- Les empires qui sont centrés autour de l’isthme de Suez, Et ce sont les Empires égyptiens en fait, L’Egypte a eu plusieurs fois des empires.

- Ca c’est l’Empire de l’Egypte du Moyen Empire.

- C’est l’empire qui dominait au nord jusqu’à Byblos, au-delà de Byblos qui dominait la côte syrienne et évidement la vallée du Nil et en descendant très bas à la sixième cataracte à Sabaloka.

- Ca c’est un premier Empire égyptien, Un deuxième Empire égyptien c’est l’empire de Ptolémée, de Lagide.

- Là aussi vous avez ce débordement des deux côtés, qui monte à Chypre et même en Sicile, Et toujours cette même politique.

- Cette fois le premier centre de l’empire était autour de la Sicile, Le second centre ici est autour de l’isthme de Suez, Ce même isthme de Suez où on retrouve les Fatimides.

- Les Fatimides sont de la même façon du côté syrien et du côté égyptien, Mais les Fatimides étaient évidemment un pouvoir religieux, donc un pouvoir religieux centré autour de l’Egypte.

- Il a été remplacé par Saladin et les Ayyoubides, Et après eux sont venus les sultans mamelouks, Et les sultans mamelouks que vous voyez là ont de nouveau la même extension.

- Et les sultans mamelouks après la chute de Bagdad en 1254, je crois, se sont réfugiés au Caire, Donc le pouvoir califal s’est trouvé au Caire jusqu’à l’arrivée des Ottomans pendant deux siècles et demie.

- Donc il y avait un centre religieux au Caire, Sans oublier évidemment al-Azhar.

- (Silence)

- Et pour finir l’Empire de Muhammad Ali évidemment, que vous vous voyez là, et qui lui aussi était basé des deux côtés et descendait très bas jusqu’à Souakim.

- Il n’a pas pu contrôler Aden parce que les Anglais l’ont devancé, Mais on a encore cet équilibre sur les deux bassins.

- Finalement, vous voyez que vous avez des pouvoirs autour de ces trois bassins, Et vous ne m’avez pas posé de questions mais c’est parce que je ne vous ai pas laissé parler.

- On peut aussi avoir un empire d’un côté et de l’autre côté à Bab-el-Mandeb, et du coté de Jab-al-tare on peut avoir aussi un empire.

- Effectivement mais tous ces empires ont été relativement, même s’ils ont eu un certain pouvoir religieux, ont été des empires secondaires dans l’Histoire.

- Vous avez ici le cas des Almoravides, al-Murabitun, et ensuite al-Muwahhidun, les Almohades, qui tous les deux ont été à cheval sur l’Espagne et le Maghreb avec évidemment une dominante religieuse là aussi.

- Et de l’autre côté nous avons ici en bas Bab-el-Mandeb, nous avons les anciennes dynasties avant l’Islam qui ont eut un pouvoir des deux côtés de la mer Rouge,

- à l’époque de ce qu’on appelle arab-el-Fil, la guerre de l’éléphant où Abraha et les Ethiopiens ont essayé de dominer les deux côtés de la mer Rouge au sud, Ce sont des empires qui ont été plutôt transitoires.

- Donc en conclusion, nous voilà conduits naturellement à réunir dans un ensemble plus vaste trois mers traditionnelles qui furent et demeurent des lieux d’échanges intenses.

- Ces définitions élargies répondent à plusieurs des questions que nous nous sommes posées.

- En particulier, elles restituent à Alexandrie et à l’Egypte la position centrale que lui accorde l’Histoire mais que lui refuse la représentation géographique traditionnelle.

- Le sens des couleurs ottoman avait qualifié ces étendues marines de Kizildeniz, la mer Rouge, Akdeniz, la mer Blanche, Karadeniz, la mer Noire.

- Et par un curieux retour des choses, il s’avère que les trois couleurs attribuées à ces mers, rouge, blanche et noire sont celles du drapeau égyptien, Je vous remercie.