Contexte
Warda : clip Ya Lahbab
Yvan Gastaut
Ce clip, diffusé en 2005 sur Canal Algérie, est une production de l’Office National de la Culture et de la Communication du gouvernement algérien sous la direction du réalisateur Djaffar Gacem. Il met en scène une chanson de la célèbre Warda, Ya Lahbab, composée par Redouane Bouhireb en 2001, en proposant une version esthétisante de la Casbah d’Alger où différentes générations de femmes vivent, entre tradition et modernité, les préparatifs d’une cérémonie de mariage.
Ouarda Ftouki, alias Warda al Jazairia (« la rose algérienne ») est née en 1939 en région parisienne, à Puteaux, d’un père algérien et d’une mère libanaise passionnée de musique. Originaire de Souk Ahras, Mohamed Ftouki, son père, militant nationaliste dès les années trente, est d’abord gérant d’un foyer d’ouvriers à Boulogne-Billancourt avant de devenir, à la fin des années quarante, le propriétaire d’un cabaret de musique arabe situé dans le Quartier Latin : le « Tam Tam » (qui signifie « Tunisie, Algérie, Maroc »). C’est dans cet établissement que, très jeune en 1951, Warda commence à chanter et à devenir une vedette. En pleine guerre d’Algérie, avec le soutien de sa famille, elle s’engage en faveur de l’indépendance en chantant des textes à la gloire de l’Algérie.
Non seulement elle donne des concerts dans les pays arabes, mais elle reverse une partie de ses recettes au FLN ce qui n’est pas sans conséquences : figure reconnue dans le monde arabe, Warda devient une personnalité gênante en France. En 1958, alors que le Tam-Tam ferme ses portes, elle est contrainte de s’expatrier vers Rabat puis Beyrouth.
Avec la fin de la guerre, en 1962, elle vit un moment charnière : installée en Algérie, elle s’y marie. Mais cette union est un échec : son époux refusant de la laisser chanter, les apparitions de Warda se font rares au moment où « son » pays fait ses premiers pays dans l’indépendance. Après dix années de silence, le président Houari Boumédienne la sollicite pour qu’elle se produise lors des commémorations de l’Indépendance en 1972. Elle accepte, accompagnée d'un orchestre égyptien, d’être l’une des vedettes de ces cérémonies officielles. Cette décision provoque la colère de son mari et la fin de son couple.
Warda décide alors s’installer au Caire où s’épanouissent alors les stars et les acteurs du monde arabe. Sa carrière connaît de nouvelles étapes, aussi bien dans le domaine de la chanson que dans celui du cinéma. Remariée au compositeur Baligh Hamdi, elle adopte un style intemporel de « diva orientale » : robe longue, mise en pli sur postiche, posture statique et mouchoir à la main. Sur le modèle de son aînée Oum Kalsoum, elle entonne des chansons d’amour qui durent parfois plus d’une heure.
Pour avoir mis à son répertoire en 1976, El Ghala Yenzad chanson qui fait l ‘éloge du leader libyen Mouammar Kadhafi, Warda connaît quelques tracasseries dans l’Egypte de Sadate. Mais cette péripétie, étalée sur quelques années, n’altère pas sa popularité.
Sa présence dans de nombreux films et séries télévisées au cours des années soixante-dix et quatre-vingt parachève sa célébrité, notamment auprès du public égyptien. Devenue une véritable star, elle alimente la chronique de la presse cairote à scandale attentive à ses moindres mouvements.
Toujours adulée dans les années 2000, comme en témoigne un fameux concert donné en 2009 à Rabat devant des dizaines de milliers de personnes, ayant interprété plus de 300 chansons et vendu plus de vingt millions d'albums dans le monde entier, Warda al Jazairia s’éteint au Caire le 17 mai 2012 en pleine commémoration du cinquantenaire de l’Indépendance algérienne. Son décès provoque une vague d’émotion dans le monde méditerranéen. Sa dépouille, rapatriée en Algérie, est enterrée au cimetière El-alia d’Alger dans le carré des moudjahidines.
Bibliographie - Sitographie
- Naïma Yahi, « Les femmes connaissent la chanson » in Driss El Yazami, Yvan Gastaut, Naïma Yahi (Sous la direction de), « Générations, un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins en France », Editions Gallimard, 2009, pp.140-145.