Contexte
Les produits halal à l'occasion du ramadan
Mayalen Zubillaga
La problématique des nourritures halal, c'est-à-dire licites et consommables pour les musulmans, s'inscrit dans celle des interdits alimentaires. L'homme étant omnivore, ces interdits ne sont pas biologiques mais culturels : marqueurs identitaires par excellence, ils constituent des manifestations collectives témoignant de l'appartenance à un groupe, celui-ci se reconnaissant dans un code alimentaire particulier.
Chez les musulmans, les prescriptions distinguent ce qui est licite (halal) et ce qui est illicite (haram). Les interdits concernent surtout les produits carnés (« Vous ont été interdits : la bête morte, le sang, la viande de porc, ce qui a été égorgé au nom d'autre que Dieu, la victime d'un étranglement, d'un choc, d'une chute, d'un coup de corne et tout ce dont a mangé une bête féroce (sauf ce que vous avez achevé en l'égorgeant), ce qui a été immolé sur l'autel des idoles » - Coran V, 3). La viande consommée doit être issue d'animaux égorgés vivants selon les principes édictés par l'Islam : le sacrificateur prononce la formule « au nom de Dieu, Dieu est le plus grand » en saignant l'animal face à La Mecque, le sang est évacué et le sacrifice est rapide. Cet abattage rituel (religieux), qui renvoie au sacrifice d’Ibrahim (Abraham), est célébré chaque année lors de l’Aïd el-Kebir. Pendant cette fête et à l'occasion du Ramadan, deux moments importants du calendrier religieux, les musulmans souhaitent des viandes halal plus qu'à tout autre moment de l'année.
Or, en France, si la présence de travailleurs venus de pays d'Islam est ancienne, elle est longtemps restée transitoire. Ce n'est qu'à partir des années 1970 que l'immigration de travail s'est transformée en immigration de peuplement, avec des musulmans de France majoritairement de nationalité française et vivant en famille. De plus, depuis les années 2000 surtout, de nombreux jeunes musulmans ont accentué leur pratique religieuse, cherchant particulièrement à consommer des aliments strictement halal par fidélité aux prescriptions de l'Islam et, d'une manière générale, à leur culture d'origine. Cette affirmation du volet alimentaire de l'islam a donné lieu, tout comme le « voile islamique », à une montée de questionnements autour de la place de l'islam, deuxième religion en France mais « transplantée » dans un pays laïque et de tradition chrétienne, sur fond de débats et de polémiques à l'échelle européenne (protection animale, vigilance des consommateurs à l’égard des méthodes de production et de la « traçabilité » des aliments...).
Le renouveau de la ferveur religieuse a par ailleurs accompagné ledéveloppement considérable du secteur de la viande et des produits halal depuis les années 1980 et surtout 1990. En France, l'abattoir est le seul lieu légal de la mise à mort des animaux de boucherie, mais l'abattage rituel, pratiqué par des sacrificateurs musulmans habilités par un organisme religieux agréé par l’État, fait l'objet de dérogations, notamment pour ce qui concerne l’obligation d’étourdir l’animal avant sa saignée (il s'agit d'une spécificité française). Le développement du « halal business », d'abord le fait de commerces tenus par des personnes originaires du Maghreb (boucheries musulmanes en particulier), a attiré l'attention des pouvoirs publics, soucieux de réguler ce marché tout en garantissant la liberté religieuse. Ce développement a également très vite interpelé la grande distribution, cherchant à conquérir de nouveaux clients et utilisant la segmentation identitaire comme outil de marketing. Ainsi, dans et autour des grandes villes françaises, la plupart des supermarchés proposent un rayon de produits halal, alors même que cet étiquetage ne fait l'objet d'aucune réglementation.
Bibliographie :
Bergeaud-Blackler Florence, « Halal : d’une norme communautaire à une norme institutionnelle », Journal des anthropologues [En ligne], 106-107 | 2006, mis en ligne le 16 novembre 2010, consulté le 08 mai 2012. URL : http://jda.revues.org/1270
BRISEBARRE Anne-Marie, « Manger halâl en France aujourd’hui : des nourritures domestiques à la restauration collective », www.lemangeur-ocha.com, mise en ligne 4 octobre 2007 (consulté le 8 mai 2012).
Kanafani-Zahar Aïda, Mathieu Séverine, Nizard Sophie (Éds), A croire et à manger. Religions et alimentation, L’Harmattan/AFSR, collection Religions en questions, 2007.
Deux ex Machina. Religion, normes et marchés (ou les petites fabriques de religieux), le carnet d'enquête de Florence Bergeaud-Blackler, http://deusexmachina.hypotheses.org (consulté le 16 mai 2012).