La bouillabaisse |
|
Titre de la collection
Histoire et gastronomie
Date de première diffusion
05/11/1967
Résumé
Reportage mené par les célèbres journalistes gastronomiques Gault et Millau sur la préparation traditionnelle de la bouillabaisse marseillaise. Ingrédients et étapes de la recette sont filmés dans le respect de l'art et de la tradition culinaire.
Interview d'un chef cuisinier marseillais, expliquant ce que signifie le mot bouillabaisse et déclinant les différentes sortes de bouillabaisses. Puis racontant l'histoire des bouillabaisses et les habitudes au fil du temps, le fait aussi que les prix ont terriblement augmenté au fil des années. Il livre les secrets de la cuisson et la manière de saisir les poissons.
Sociétés de production
-
Office national de radiodiffusion télévision française - Production propre
Chaîne de première diffusion
ORTF
Forme audiovisuelle
Documentaire
Thème principal
Traditions culinaires
Thème secondaire
- Economie / Pêche et activités portuaires
Générique
- Saguez Guy - Réalisateur
- Gault Henri - Journaliste
- Millau Christian - Journaliste
Lieux
- France - Sud Est - Marseille
Langue d'origine
Français
Contexte
La bouillabaisse
Mayalen Zubillaga
Dans ce reportage diffusé en 1967, les célèbres critiques gastronomiques Henri Gault et Christian Millau partent à la recherche de la « vraie » recette de bouillabaisse à Marseille. Ce plat emblématique de la gastronomie provençale du littoral est surtout attaché à la cité phocéenne car c'est depuis ce grand port qu'il a gagné sa renommée. Or, comme toute recette traditionnelle et populaire, celle de la bouillabaisse a fait l'objet de variations dans le temps : petit à petit, la marmite de pêcheur, préparée avec un bouillon léger, a été remplacée par une soupe riche et festive.
C'est vraisemblablement dans le Dictionnaire de la Provence et du Comté-Venaissin (1785) que le mot « bouillabaisse » est imprimé pour la première fois : « Bouilhe-baisso, terme de pêcheur, sorte de ragoût qui consiste à faire bouillir du poisson dans de l'eau de mer. L'on dit bouilhe-baisso parce que, dès que le pot bout, on le tire du feu, on l'abaisse. » La pratique décrite ici est sans doute très ancienne, de la même manière que la soupe préparée avec des ingrédients locaux est quasi universelle. La bouillabaisse fait en effet partie de la famille des soupes « retour de pêche », traditionnellement confectionnées au bord de l'eau avec les poissons invendables car trop épineux, petits ou abîmés.
Cette recette diffère de la bouillabaisse des cuisines et surtout des restaurants, plus sophistiquée, née au XIXe siècle. Marseille alors est en pleine croissance et de nombreux Marseillais issus de la classe ouvrière ou moyenne passent leur temps libre dans les fameux cabanons de bord de mer, où elle devient synonyme de convivialité. Mais c'est surtout avec les restaurants réputés que le plat populaire devient mondain, notamment à la fin du XIXe : les restaurateurs rivalisent pour présenter la plus longue liste de poissons possible et enrichissent la bouillabaisse avec des végétaux (oignon, ail, poireaux, persil, citron, écorce d'orange...). La tomate, cultivée à Marseille depuis le début du XVIIIe siècle, s'impose petit à petit au fil du XIXe siècle. Quant à la pomme de terre, elle apparaît plus tard encore, d'abord dans les variantes de Martigues et de Toulon puis dans la version marseillaise. C'est également à cette époque que le safran triomphe, comme pour répondre à l'imaginaire des voyageurs et des écrivains décrivant Marseille comme la « porte de l'Orient ». La « soupe d'or » des restaurants cossus et la bouillabaisse des cabanons cohabitent toutefois en paix.
Deux points suscitent des controverses : la recette et la qualité de la bouillabaisse. C'est à partir des années 1830 que les restaurateurs qui publient leurs recettes commencent à imposer une liste de poissons, qui varie selon les auteurs mais dans laquelle la rascasse est toujours présente. De même, la façon de démarrer la cuisson provoque des divergences ; dans tous les cas, la cuisson se fait à grand feu, ce qui permet d'émulsionner l'eau et l'huile, comme le précise le chef Roger Vergé dans le reportage.
Un point reste toutefois polémique au XXe siècle : la qualité de la bouillabaisse. Galvaudée par quelques restaurateurs du Vieux-Port, elle devient un « attrape-touristes » dénoncé par Henri Gault et Christian Millau, avec la conclusion suivante : pour déguster une bonne bouillabaisse, il faut la payer cher ! Au XXe siècle, la bouillabaisse est effectivement devenu un plat festif qui n'a plus grand chose à voir avec la soupe ancestrale. En 1980, dix-sept restaurateurs lancent d'ailleurs une « charte de la bouillabaisse » destinée à rétablir l'image de marque de ce plat emblématique. Malgré tout, encore aujourd'hui, de nombreux critiques se plaignent de l'impossibilité de déguster une bonne bouillabaisse à prix modeste, préparée avec des poissons frais et locaux. L' « arnaque à la bouillabaisse » est devenue aussi célèbre que la soupe elle-même !
Bibliographie :
GIDARD Misette, DUPUY Jacques, « La bouillabaisse », Pot-au-feu. Convivial, familial : histoires d'un mythe, sous la direction de Julia Csergo, Autrement, Coll. Mutations, N°187, 1999
POLI Brigitte, La bouillabaisse. Lou bouil-abaïsso. Un plat, un emblème, un art de vivre, Benezet production, 2004.
Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Albin Michel, 1995.
Deluy Henri, « La bouillabaisse : le grand combat »,
La pensée de midi n° 13, 2004.