Les accords du Latran |
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Titre de la collection
Effetto ieri
Date de première diffusion
26/09/2009
Résumé
Leyla Pafumi et Nino Graziano Luca évoquent les accords du Latran signés par Mussolini et le cardinal Gasparri en février 1929. La journaliste Nina Fabrizio, de l'agence de presse ANSA, explique les circonstances et les implications historiques de la conclusion de ces accords. Nina Fabrizio fait également référence au pacte Gentiloni de 1912 qui vit l'entrée des catholiques sur la scène politique italienne. La question des jeunes fut également un aspect des discussions diplomatiques, provoquant des tensions entre l'Eglise et le fascisme quant aux activités des groupes de scouts catholiques. Photographies illustrant cet épisode historique.
Chaîne de première diffusion
RAI - RAI Due
Forme audiovisuelle
Autre
Thème principal
Enjeux historiques contemporains XIXe-XXIe s.
Générique
- Pafumi Leyla - Présentateur
- Graziano Luca Nino - Présentateur
Contexte
Les accords du Latran
Stéphane Mourlane
Les accords du Latran, signés le 11 février 1929 par le cardinal Gaspari, secrétaire d’État du Saint-Siège, et Mussolini, chef du gouvernement italien, constituent jusqu’à aujourd’hui à la fois le cadre juridique et le symbole des relations étroites entre l’Église et l’Italie.
Depuis l’Unité de l’Italie à laquelle le pape IX est opposé et, en 1870, l’annexion de Rome devenue capitale du nouveau royaume en 1871, les rapports entre l’État et le Saint-Siège sont exécrables. La « loi des garanties » adoptée en 1871 par le parlement italien, qui fait du pape un sujet italien, tout en lui reconnaissant quelques privilèges, est rejetée par le Saint-Siège. Le courroux pontifical s’exprime en particulier au travers du non expedit qui enjoint aux catholiques italiens de ne pas participer à la vie politique de leur pays. En dépit de quelques assouplissements, la question romaine empêche la normalisation des relations entre les deux États dans un pays où la population affiche un profond attachement à l’Église.
Avant même son arrivée au pouvoir, Mussolini dont le passé socialiste fait un farouche anticlérical, comprend que son dessein politique passe par une conciliation avec l’Église. Afin de rallier les catholiques au fascisme et de tirer profit pour sa politique nationaliste et impérialiste de l’universalité de Rome capitale religieuse, il multiplie, après son accession au pouvoir en 1922, les propos apaisants et fait adopter des mesures en faveur de l’Église italienne comme l’introduction en 1923 de la religion catholique dans les écoles. Du côté du Saint-Siège, le pape Pie XI, qui a assisté sans y trouver à redire à la montée du fascisme comme archevêque de Milan, considère le régime mussolinien comme un utile rempart au bolchévisme jugé comme le principal ennemi de l’Église. Dès 1923, des pourparlers secrets s’engagent donc en vue d’aboutir à la signature d’un accord.
Les accords du Latran comportent trois volets. Il s’agit tout d’abord d’un traité politique qui règle définitivement l’épineuse question romaine : l’Italie reconnaît l’indépendance et la souveraineté du Saint-Siège et l’État du Vatican est officiellement fondé. Son territoire s’étend sur une superficie de 0,44 km2 et un certain nombre de bâtiments bénéficient dans Rome d’un statut d’extraterritorialité. Un second volet concerne une convention financière qui prévoit que l’État italien verse 750 millions de lires en espèces et un milliard de lires en rente italienne à 5% pour dédommager le Saint-Siège des spoliations subies. Enfin le troisième volet constitue le concordat qui règle les relations civiles et religieuses entre l’Église et l’État italien. Le catholicisme devient religion officielle. Les mariages catholiques et les jugements de l'Église en matière matrimoniale prennent effet civil tandis que les juridictions ecclésiastiques sont reconnues en matière spirituelle et disciplinaire. Les prêtres apostats ne peuvent prétendre à un emploi public. Autre aspect essentiel du concordat, l'enseignement religieux catholique devient obligatoire à tous les niveaux scolaires. En retour, les évêques doivent prêter serment de fidélité à l’État italien et les règles de délimitation des diocèses sont négociées. Ces accords, particulièrement bien accueillis par la population, servent assurément la popularité de Mussolini qui se voit attribuer le statut d’homme providentiel par le pape. Seule la question de l’encadrement de la société demeure une pierre d’achoppement. L’ambition totalitaire du fascisme ne peut en effet se satisfaire de l’influence qu’exerce l’Église au travers l’Action catholique auprès des jeunes notamment. Les mesures prises au cours des années 1930 pour contenir l’activité de l’Action catholique ne remettent toutefois jamais en cause la Conciliation.
Les accords du Latran survivent même à la chute du régime fasciste. La domination politique de la Démocratie chrétienne dans l’Italie républicaine constitue évidemment un contexte favorable. Les démocrates-chrétiens soutiennent l’insertion des accords dans la Constitution qui entre en vigueur en 1948 (article 7). La démarche est soutenue par le parti communiste conscient lui aussi de la nécessité de ménager l’opinion publique (et son électorat) et soucieux de ne pas mettre en péril le processus démocratique. Bien que proclamant aussi l’égalité de toutes les confessions devant la loi (article 9), la constitution, en même temps que « l’hégémonie catholique » sur la vie politique, favorise une confessionnalisation de l’État particulièrement saillante dans les années 1950. Depuis, la sécularisation de la société a conduit à envisager une révision des rapports concordataires. La constitution prévoit que la modification de l’article 7 n’impose pas de révision constitutionnelle mais un accord entre l’Église et l’État. Pas moins de sept projets de révision sont élaborés entre 1967 et 1983. Il faut attendre l’arrivée au pouvoir du socialiste Bettino Craxi pour que les négociations aboutissent en 1984. Le nouvel accord signé le 18 février à la Villa Madame à Rome reconnaît la liberté de culte, ne fait plus de la religion catholique la seule religion de l’État italien, rend l’enseignement de la religion catholique facultatif et met un terme à la compétence exclusive des tribunaux ecclésiastiques sur le mariage. En outre, la rémunération du clergé est assurée par une part de l’impôt, le huit pour mille, dont le contribuable choisit l’affectation dans le domaine social et humanitaire. En dépit des sacrifices consentis par l’Eglise dans cet accord, la part très majoritaire de cet impôt (entre 80 et 90 %) qu’elle perçoit témoigne du maintien de son influence au sein de la société italienne.
Bibliographie :
Gabriele De Rosa (a cura di), Storia dell’Italia religiosa, vol. III : L’età contemporanea, Roma-Bari, Laterza, 1995.
Carlo Arturo Jemolo, Chiesa e Stato in Italia dalla unificazione ai giorni nostri, Torino, Einaudi, 1977.
Franco Garelli, Religione e chiesa in Italia, Bologna, Il Mulino, 1991.
Sergio Romano, La foi et le pouvoir. Le Vatican et l’Italie de Pie IX à Benoît XVI, Paris, Buchet-Chastel, 2007.